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Annie Genevard, au marché de Rungis en région parisienne, le 8 décembre 2025
Crédit : JULIEN DE ROSA / AFP
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Arrêter la "décroissance agricole" pour mieux préparer la guerre. Depuis le marché de Rungis ce lundi 8 décembre, la ministre de l'Agriculture Annie Genevard a appelé à "un grand réveil alimentaire". "Si nous sommes réunis ici, c'est que la guerre agricole se prépare", a-t-elle assuré. Et de renchérir : "La guerre agricole menace chaque jour un peu plus et il est temps d'agir".
Tandis que l'actualité politique est orientée sur l'issue du vote du budget de la Sécurité sociale qui doit avoir lieu le 9 décembre et qui pourrait être déterminante pour l'avenir du gouvernement, Annie Genevard a tenu à rappeler la conjoncture mondiale et ses impacts pour la France, première puissance agricole européenne.
Dans le viseur de la ministre : la guerre en Ukraine, la politique douanière américaine ainsi que les taxes chinoises qui dissipent "l'illusion" d'une prospérité durable. "La guerre, la vraie, n'a plus rien d'impossible, chaque jour nous le rappelle. Il nous faut nous y préparer. Si elle éclate, que les Français le comprennent bien, c'est sur nos agriculteurs, et sur eux seuls, qu'il faudra compter pour nous nourrir", a-t-elle affirmé.
Selon la ministre de l'Agriculture, la France va devoir composer dans les dix ans avec une concurrence commerciale mondiale accrue, exacerbée par des facteurs internes. Ainsi, "depuis 2014, le financement de la politique agricole et alimentaire chinoise par habitant a bondi de 40% ; celle des États-Unis de 86% ; celle de la Russie de 15%. Et celle de l'Union européenne a reculé de 19%. C'est une erreur historique à laquelle il faut faire barrage", a-t-elle détaillé.
Afin de se préparer à cette "guerre agricole", Annie Genevard a rappelé que "toutes ces puissances anticipent la montée en intensité de la guerre agricole en réarmant leur puissance verte". "Et pendant ce temps, sur notre continent, nous devons lutter contre les tentations de la décroissance portées par quelques thuriféraires du décadentisme", a-t-elle dénoncé.
Annie Genevard a ainsi alerté sur les "lames de fond" qui menacent de déclassement la première puissance agricole européenne. "L'érosion de nos facteurs de production" représente la première menace comprenant l'érosion des "forces humaines d'abord, puisque dans les dix prochaines années, un actif agricole sur deux partira à la retraite".
Autres facteurs évoqué par la ministre de l'Agriculture : "La volatilité des prix", "le poids des charges", "le dérèglement climatique" et enfin "nos choix de consommation". "La part que les Français consacrent à l'alimentation dans leur budget a reculé de manière spectaculaire ces dernières années, passant de 35% en 1960 à moins de 20% aujourd'hui", a-t-elle constaté, plaidant pour un "patriotisme alimentaire".
La France reste le premier producteur et exportateur de céréales de l'Union européenne, mais elle perd du terrain. Alors qu'en 2022, elle en avait exporté pour 11 milliards d'euros, dans un contexte de flambée des cours après l'invasion russe de l'Ukraine, l'euphorie est retombée. En 2024, les exportations de céréales ont baissé de plus d'un milliard d'euros (à 6,6 milliards contre 7,7 en 2023), du fait d'une baisse tant des prix (-17% pour l'orge et -16% pour le blé) que des volumes, selon les Douanes. Elles ont rebondi depuis (+49% sur un an, à fin septembre), portées par une belle moisson de blé en 2025.
Mais la hausse des rendements ne compense pas la baisse tendancielle des surfaces cultivées en blé - la plus faible en 20 ans -, ni la baisse des prix sur les marchés mondiaux, où la concurrence est rude face aux grains de la mer Noire. La hausse de la production pourrait permettre à la France d'exporter 16 à 17 millions de tonnes de blé en 2025-26, dont 10 millions vers des pays tiers (hors UE).
Mais, en dépit d'une augmentation des achats du Maroc, cet objectif sera difficile à atteindre sans l'Algérie, ex-premier client du blé français qui boude désormais l'ancienne puissance coloniale, ou la Chine, très peu acheteuse ces derniers mois.
Le dérèglement climatique, une moindre consommation notamment de vin rouge, mais aussi le conflit douanier avec les États-Unis, auxquels s'ajoute un repli du marché chinois et une inflation des coûts, les difficultés se cumulent pour la viticulture, particulièrement ébranlée en Occitanie et Nouvelle-Aquitaine.
En 2024, alors que l'Italie, le premier exportateur mondial, voyait ses commandes croître, les exportations de vins et spiritueux français ont reculé de 4% en valeur, après -6% en 2023, même si les volumes se sont stabilisés. Un phénomène observé avant l'imposition de 15% de droits de douane sur le marché américain, premier marché du secteur. Quant à la vendange 2025, réduite par la canicule et la sécheresse estivales, elle pourrait être la plus basse depuis 1957.
Le pays compte le premier cheptel bovin de l'UE, avec plus de 16 millions de têtes, mais il est en déclin accéléré, avec 1,2 million de vaches en moins depuis 10 ans. L'élevage souffre d'un manque de bras et de revenus. Le secteur dénonce aussi la concurrence déloyale générée par les accords de type UE-Mercosur du fait de normes de production différentes.
Se présentant comme protectrice de la France agricole, Annie Genevard a rappelé son opposition à l'accord de libre-échange avec les pays latino-américains du Mercosur. La ministre de l'Agriculture a prévenu que si la Commission européenne ne le faisait pas, elle agirait : "J'interdirai moi-même les importations sur notre sol de produits contenant des substances interdites en Europe comme le droit européen me le permet", a-t-elle lancé.
Selon l'interprofession, 25% de la viande bovine consommée en France est aujourd'hui importée (55% dans la restauration). La filière ovine a elle perdu 65.000 élevages et vu les abattages d'agneaux reculer de 40% en vingt ans. En 2024, 59% de la viande ovine est importée.
Quant à la viande de volailles, la production française a reculé de près de 30% depuis son pic de 1997, distancée par la Pologne, numéro 1 européen dont la production a quadruplé, l'Espagne et l'Allemagne. Dans le même temps, la demande nationale augmentait de 35%, plongeant la balance commerciale dans le rouge.
La balance commerciale agricole française pourrait être déficitaire en 2025. Une première depuis près de 50 ans. Les importations augmentent, les exportations de produits agricoles ont baissé de 20% en volume entre 2015 et 2024, et celles de produits agroalimentaires de 7%.
Deuxième exportatrice européenne en 2000, la France n'est plus qu'à la 6e place, loin derrière les Pays-Bas (45 milliards d'euros d'excédent), la Pologne et l'Espagne (en pointe sur le porc, le vin, les fruits et légumes). Le premier poste d'exportation de la France (14% du total) est le secteur agri/agro qui a rapporté l'an dernier plus de 82 milliards d'euros au pays, devant l'aéronautique, les véhicules et équipements, et la chimie.
Mais cet excédent se réduit depuis plusieurs années et, avec cinq mois en déficit sur neuf en 2025, selon les Douanes, le secteur redoute un bilan annuel négatif.
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