C’est le retour de la guerre contre l’huile de palme. Après une première tentative avortée en 2013, et une autre en 2015, les parlementaires français repartent à la charge avec un projet de loi sur la biodiversité, initié par le gouvernement, qui comporte des dispositions sur l'huile de palme. Sa taxation a été revue à la baisse. Le projet initial était de taxer à 300 euros la tonne d'huile de palme. Le vote de la commission du Développement durable à l'Assemblée nationale a acté, la semaine dernière, une proposition de taxation à 90 euros la tonne pour s’aligner sur le prix de l'huile d'olive.
Biscuits, glaces, tablettes de chocolats… Cette huile, contenue également dans de nombreux savons et produits de beauté, se retrouve dans beaucoup de produits d'alimentation générale. Selon une étude du Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (CREDOC), chaque Français en consommerait près d'un kilo par an.
La polémique sur sa dangerosité pour la planète avait été relancée en juin 2015 par la ministre de l'Environnement, Ségolène Royal. Elle avait affirmé qu'il fallait "arrêter de manger du Nutella [...] parce que c'est de l'huile de palme", réclamant que Ferrero utilise d'autres matières premières moins nocives pour les forêts. Elle s'est ensuite excusée publiquement, car Ferrero avait répondu que l'huile de palme peut également être cultivée dans conditions qui ne conduisent pas à la déforestation. Même si Greenpeace a jugé le 4 mars que Ferrero et Nestlé sont les deux seules grandes entreprises qui "fournissent un effort satisfaisant" dans la lutte contre la déforestation, le problème reste entier.
C'est l'angle d'attaque de ce projet de loi. Partant initialement, en 2013, du souci de santé publique et de la lutte contre l'obésité, l'objectif officiel de ce projet de loi est de protéger les espèces naturelles et lutter contre la déforestation.
En fin d'année 2015, 2,6 millions d'hectares de forêts tropicales d'Indonésie sont partis en fumée, à la suite d'incendies allumés pour l'essentiel illégalement afin de défricher et de fertiliser des terres, surtout pour accroître les plantations d'huiles de palme, dont l'Indonésie est le premier producteur mondial. Depuis 1990, le pays a perdu plus de 31 millions d’hectares de forêts, selon l'ONG Greenpeace, soit une surface équivalente au territoire allemand.
La taxe ne concernera en revanche pas certaines entreprises écologiquement responsables. Les débats en commission du Développement durable ont ainsi conduit à ce que les huiles de palme "qui répondent aux critères de durabilité environnementale" soient ainsi exemptés de la taxe.
L'huile de palme a mauvaise réputation dans le domaine de la nutrition. Sa teneur élevée en gras saturés fait qu'elle a été décriée par de nombreux professionnels de santé. Certains affirment que l'huile de palme peut être à l'origine de l'apparition du mauvais cholestérol dans le sang.
Lobby puissant, les pro-huile de palme ne laissent pas faire face à ce qu'ils estiment être une menace pour leur marché. Les messages sponsorisés pullulent sur les réseaux sociaux pour faire savoir que, selon eux, cet amendement sur l'huile de palme serait "une catastrophe pour le développement de la filière durable.
L’huile de palme “zéro déforestation” est possible, c'est le message qu'ils souhaitent insuffler en recrutant notamment l'athlète français Pascal Martinot-Lagarde pour bonifier leur image. Critiqué pour ce choix, le médaillé de bronze aux championnats d'Europe 2014 du 110 mètres haies explique à L'Équipe qu'il ne "regrette pas" la proposition du Conseil Malaisien de l’huile de palme (MPOC), un groupement de producteurs malaisiens soutenus par le gouvernement, mais que son but n'est pas de "convaincre les gens" sur des soi-disant bienfaits du produit.
L'association malaisienne Palm Oil estime quant à elle qu'il n'y aucune raison d'augmenter les taxes en 2016, et assure que le nouveau ministre des Affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault avait promis que la France ne les augmenteraient pas.
En face des militants pro-huile de palme, les associations de défense de l'environnement sont également très mobilisées sur ce front. Des militants de Greenpeace ont notamment déployé jeudi 25 février matin une banderole géante devant le siège de Bolloré à Puteaux (Hauts-de-Seine) pour interpeller le groupe français impliqué dans la production d'huile de palme.
Le groupe Bolloré détient 38,75% de la Socfin, une société luxembourgeoise qui, selon l'ONG, gère 185.000 hectares de plantations de palmiers à huile en Afrique (nouvel eldorado de industriels de l’huile de palme) et en Asie du Sud-Est et n'a pas de politique visant à prévenir la déforestation dans ses projets.