ÉDITO - SpaceX : un exploit "magnifique, impressionnant, et déprimant", réagit Étienne Gernelle

Mes yeux brillent et pleurent à la fois. Vous avez peut-être comme moi été ébahis par l’exploit fantastique réalisé par Elon Musk et SpaceX. L’atterrissage du premier étage de sa fusée géante Starship, un cylindre de 70 mètres qui arrive à la vitesse du son, ralentit avec ses 33 moteurs, et finit par être capté par deux bras géants. C’était magnifique, impressionnant et déprimant à la fois. 

Cette percée technologique folle est aussi une énorme claque pour l’Europe et la France. Il y a à peine plus de dix ans, chez Arianespace, on rigolait de Musk et de ses projets de fusée réutilisable. "C’est un rêve", disaient-ils. C’est ça que nous rappelle l’exploit de Musk : notre décrochage technologique., notre absence de vision, d’ambition.

Regardons les choses en face. Pendant que les Américains réussissent ce pari dingue, de quoi on débattait-on hier à l’Assemblée nationale ? Du Doliprane ! Comment continuer à produire du Doliprane en France. Le Doliprane, soit le paracétamol, une molécule, inventée il y a 150 ans, produite partout dans le monde et qui ne coûte rien. C’est ça, notre ambition ? Le Doliprane ? Et le ministre de l’Économie, Antoine Armand, qui en parle comme "priorité industrielle". Ça en dit long sur ce que nous sommes devenus.

Un retard européen inquiétant

Nous sommes devenus mous ! En substance, c’est ce qu’a décrit l’an dernier l’ancien président de la Banque centrale européenne, Mario Draghi, dans un rapport le mois dernier. Draghi dit qu’il faut investir massivement pour ne pas être largués par les États-Unis et la Chine dans la technologie. Notamment dans l’innovation "de rupture". Or c’est ça, selon Draghi, la clé de la compétitivité, donc de la croissance.

Cela devrait être le sujet numéro un du débat. La recherche, les compétences, les ingénieurs… Vous en connaissez, vous, des politiques français qui vous parlent du rapport Draghi ? Qui l’ont lu ? J’ai croisé la semaine dernière Michael Delafosse, le maire de Montpellier, qui m’en a parlé. Mais bon, comme disait Audiard : "C’est comme les poissons volants, ça existe, mais c’est pas la majorité du genre".

Pour l’instant, sur l’ambition et la vision, il est un peu inégal le match entre Elon Musk et Michel Barnier.