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Alba Ventura : "Marine Le Pen s'éloigne de ses racines contestataires"
CHRONIQUE - On dit que la colère monte dans le pays, mais la présidente du FN Marine Le Pen baisse dans les sondages. C'est le double résultat de la "dédiabolisation" : elle séduit, mais elle perturbe aussi.
Marine Le Pen jugé lors d'une conférence de presse consacrée aux sujets internationaux, le 21 janvier 2014 à Paris
Crédit : AFP / Bertrand Guay
À deux mois des municipales, Marine Le Pen marque le pas dans les derniers sondages. A l'inverse, ses idées semblent progresser dans l'opinion. Ce paradoxe s'explique par l'effet pervers de la "dédiabolisation". La présidente du Front national accuse sans doute le coup de ce qui lui a été bénéfique auparavant.
Pas de dérapage
La normalisation lui a réussi. Elle a élargi son assise. Elle séduit au-delà des frontières de l'extrême droite. Mais du coup, elle s'est banalisée, et elle s'éloigne de ses racines contestataires. Vouloir apparaître trop "normal", tout le monde sait que ce n'est pas un gage de réussite.
Or Marine Le Pen a bataillé pour donner d'elle une image respectable. Depuis deux ans maintenant qu'elle dirige le FN, elle n'a cessé de vouloir gommer tous les aspects les plus outranciers du parti. Elle ne voulait surtout pas apparaître comme une brute. Pas de dérapage, pas de jeux de mots douteux, pas de calembours xénophobes... Bref, elle voulait se montrer plus subtile que son père.
On ne l'a pas vue, par exemple, manifester contre le mariage homo. Elle s'est déclarée très choquée par Dieudonné. Elle dit partout avoir des "idées sociales". Elle ne veut pas qu'on la classe à l'extrême droite. Cela fait des mois qu'on ne l'a pas entendu parler d'immigration, de sécurité ou de frontières. Elle ne fait plus référence à l'ordre et à l'autorité.
Le FN n'apparaît plus comme un parti "anti-système"
Ce décrochage dans les sondages, c'est le signe que certains peuvent se sentir un peu déboussolés et déconcertés. Marine Le Pen, cherche à faire de l'audience au-delà de son électorat. Du coup, les Français n'entendent plus la grosse caisse du FN.
Alors, a-t-elle atteint un plafond ? Électoralement, il est encore trop tôt pour le dire. On le verra bientôt dans les urnes. Elle est toujours très haut dans les sondages, même si elle perd quelques points en ce moment. Les experts en enquêtes d'opinion rappellent tous que les prévisions du Front national pour les municipales sont au-dessus des scores de Marine Le Pen à la présidentielle, qui est pourtant l'exercice où le FN réussit le mieux.
Ce qui se passe en réalité, c'est que le FN n'apparaît plus comme un parti "anti-système". Les "anti-système" maintenant, ce sont les Bonnets Rouges, c'est Dieudonné, quelque chose de plus transgressif. C'est toujours politique, mais pas au sens électoral du terme. Ceci explique aussi cela.
L'électorat contestataire va-t-il bouder les urnes ?
Aux prochaines élections, cela donnera de toute manière quelques villes symboliques pour le Front national. Ça, c'est écrit. Mais ce que l'on voit monter, c'est aussi une abstention massive. Moins d'un électeur sur deux est décidé à aller voter aujourd'hui.
L'abstention, ce sont tous ces gens que vous croisez et qui disent : "La politique, moi c'est fini", "La politique, je n'y crois plus", "Je ne vote plus". Pourtant, la France est encore un pays où l'on vote beaucoup (75% de participation à la présidentielle).
Reste que 87% des Français estiment aujourd'hui que les politiques ne se préoccupent pas de ce que pensent les gens "comme eux". 87% des Français qui pensent que les politiques les ignorent. Quand un électeur ne se fait plus d'illusion, il va à la pêche ou bien il vote FN. Il est probable que même l'électorat contestataire n'aille plus voter.
C'est le problème avec l'abstention. C'est comme au casino : on ne sait jamais qui va en profiter. Cela rend les prochains scrutins encore plus imprévisibles.
