La responsabilité d'Abdelkader Merah dans les attentats perpétrés par son petit frère en 2012 est une épineuse question que doit trancher la justice. Mohamed Merah était-il "le bras armé" de son grand frère, comme le croit Abdelghani, l'aîné de la fratrie décimée ?
Depuis le 2 octobre, les différents témoins viennent se souvenir des moindres détails qui les relient à Mohamed (décédé le 22 mars 2012 dans l'assaut du RAID) et / ou à Abdelkader (dans le box des accusés pour complicité d'assassinats terroristes et association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte terroriste).
Les jurés devront déterminer si le grand frère était au courant, voire s'il a soutenu, les assassinats de trois militaires, trois enfants et un père de famille juifs entre les 11 et 19 mars 2012. Lundi 16 octobre, ce sont deux personnalités importantes du dossier - et de la famille - qui se sont présentées à la barre. Il s'agit du grand frère, Abdelghani Merah, et de la sœur Aïcha Merah (la deuxième sœur, Souad, serait en Algérie).
Alors que le premier a beaucoup été présent dans les médias - il a sorti un livre, organisé une "marche contre la radicalisation" en France - la seconde n'a jamais parlé aux télévisions. Et leur témoignage est précieux pour comprendre la nature des liens entre les deux frères - Abdelkader et Mohamed - avant et pendant les attentats. Problème pour les jurés (qui sont des magistrats professionnels), les deux témoignages se contredisent sur plusieurs points.
Depuis 2012, Abdelghani Merah fait état d'une ambiance de haine dans sa famille, que ce soit lors de ses dépositions aux enquêteurs, aux médias ou encore lundi 16 octobre, devant la cour d'assises de Paris. Dans sa déclaration spontanée, il dit sa volonté de "dénoncer le fanatisme qui a détruit [sa] famille, dénoncer la haine aveugle du juif (...) On a grandi avec le traumatisme post-colonial, la haine du juif, la victimisation et la haine de tout ce qui n'est pas musulman".
"On n'était pas focalisés antijuif, ça c'est du n'importe quoi", tranche, quelques heures après, Aïcha, à son tour à la barre. Elle nie cette obsession familiale. Rappelons que Mohamed Merah a tué trois enfants et un père parce qu'ils étaient juifs le 19 mars 2012. Aïcha Merah dément aussi des "sentiments anti-français" et redore l'image de son père - qui vit en Algérie - présenté depuis le début du procès comme violent et extrême. Même si elle avoue qu'il frappait sa mère, c'est "toujours lui" qui l'a protégée, se souvient-elle.
En parlant de violence, c'était un élément omniprésent dans la famille Merah, à entendre tous les membres qui se sont exprimés jusqu'ici. Enfants battus par leur père, insultés par leurs oncles, et violentés par leurs grands frères... Abdelghani a reconnu avoir été particulièrement agressif avec ses petits frères (moins avec Mohamed) et petites sœurs, mais accuse Abdelkader d'avoir pris la suite sur Mohamed Merah et de l'avoir traumatisé. Pour lui, "ils sont complices idéologiquement", au moins.
"Abdelkader Merah a façonné Mohamed à devenir un terroriste à travers ses propos, sa haine", a déclaré Abdelghani allant jusqu'à avancer que si le benjamin a tué des enfants, c'est parce qu'il aurait été "guidé" par son grand frère.
Aïcha accuse, elle, davantage l'aîné de la famille. Plus douce avec son frère dans le box des accusés, elle charge Abdelghani en assurant qu'il disait "des choses pas exactes" mettant ainsi à mal les déclarations de celui que la défense a surnommé "la coqueluche de l'accusation". "Kader (Abdelkader, nldr) était plutôt cool avec moi", raconte-t-elle entre autre.
Mardi 17 octobre, un autre témoin vient placer une troisième figure radicalisée dans la famille : Souad Merah. Après les affirmations d'Aïcha comme quoi sa sœur "était salafiste, point", la mère du fils d'Abdelghani Merah, Anne C., met directement en cause ce cinquième membre de la famille toulousaine. Selon elle, Abdelkader et Souad "étaient au courant" des attentats, et que le premier n'est pas le seul responsable dans l'endoctrinement du benjamin. "Souad aussi l'a endoctriné dans la religion", a-t-elle affirmé devant la cour.
Souad Merah a déjà été entendue par la justice pour "apologie du terrorisme", puis placée en garde à vue en 2014 avant d’être relâchée et de disparaître. Les autorités la soupçonnent d'être partie en Syrie. Elle serait, d'après sa famille, en Algérie.
La justice devra trancher de la responsabilité ou non de l'accusé Abdelkader Merah le 2 novembre. Des témoins continuent de défiler pour donner des éléments. Mercredi 18 octobre, c'est la mère de toute cette fratrie qui sera entendue.