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Lutte contre le trafic de stupéfiants : un bilan en trompe l'œil ?

Après une nouvelle fusillade qui a fait deux morts à Marseille sous fond de trafic de stupéfiants, quel réel bilan peut-on tirer de la politique anti-drogue de l'exécutif ? Malgré des chiffres rassurants sur le démantèlement des points de deals et un nombre de saisies toujours record, le trafic reste en bonne santé.

Image d'une saisie de drogue (illustration)
Crédit : KENZO TRIBOUILLARD / AFP
RTL ÉVÉNEMENT - Lutte contre les trafics de drogue : Darmanin, un bilan en trompe-l'œil
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Maxime Levy
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1.000. C'est le nombre de points de deals en moins aujourd'hui en France par rapport à la fin de l'année 2020. S'il y avait 4.034 de ces lieux de vente au 31 décembre 2020, la police judiciaire en recense, au 31 juin 2023, près de 3.000. Un chiffre rassurant que met en avant le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, qui a fait du pilonnage des points de deals et de l'éradication du trafic de stupéfiants une priorité depuis son arrivée à Beauvau il y a plus de 3 ans.

Si l'on prend le deuxième cheval de bataille du ministre, la pénalisation des consommateurs : près de 370.000 amendes forfaitaires ont été délivrées en 3 ans, d'après les derniers chiffres transmis à RTL. De même pour les saisies, les chiffres de cette année s'annoncent tout aussi records que l'an dernier. Les autorités ont saisi plus de 70 tonnes de cannabis et près de 14 tonnes de cocaïnes sur la période allant de janvier à juillet 2023.

Gérald Darmanin tient son pari ?

Ce n'est pas si simple. Exemple dans les Bouches-du-Rhône. Selon les chiffres de la police judiciaire, il y a deux fois moins de points de deal qu'il y a 3 ans. Le département est passé de 222 à 133 points de deals recensés en 3 ans. Mais selon des enquêteurs de police judiciaire contactés par RTL, le trafic s'est concentré. Dans le quartier de la Castellane à Marseille, on est passé de 5 à 7 points deals, avec un chiffre d'affaires en hausse. "Quand un point de deal disparait, le concurrent grossit presque automatiquement et attire ses clients", selon un haut-gradé de la police judiciaire. 

Tous les enquêteurs et les chefs de police judiciaire contactés par RTL sont unanimes. Selon eux, il est important de démanteler tous ces points de deal, pour le bien-être d'un quartier et la tranquillité des habitants. "La lutte contre les points de deal est une facette importante du combat contre le trafic de stupéfiants, mais il ne faut pas que cela devienne l'alpha et l'omega", explique Yann Bastière, délégué investigation du syndicat Unité SGP Police. Un spécialiste du dossier souffle d'ailleurs que "moins de points de deals ne veut pas dire moins de ventes, ni moins de clients. Lorsque des magasins de vêtements ferment en France, cela ne veut pas dire que les Français s'habillent moins".

De même, certains enquêteurs restent assez sceptiques sur ces chiffres : "Si fermer un point de deal, c'est juste interpeller quelques jeunes en bas d'un immeuble qui revendent quelques grammes de cannabis, cela n'a que peu d'intérêt pour éradiquer un réseau", tranche un enquêteur antistupéfiants du sud de la France. 

Depuis la crise du Covid, dans les grandes villes et les villes moyennes, la tendance aujourd'hui est à la livraison à domicile : le "uber-shit". "Beaucoup de consommateurs commandent depuis chez eux, comme ils se feraient livrer une pizza par un livreur à scooter", explique un enquêteur de l'Office Antistupéfiants (OFAST). De plus en plus de clients ont peur de se déplacer dans les banlieues des grandes villes et trouvent leur bonheur sur internet. Telegram, Snapchat ou Signal : les messageries cryptées regorgent de points de deals virtuels, très difficiles à démanteler.

Des piles de dossiers toujours plus importantes

Malgré cette action résolue de l'exécutif, les enquêteurs ne voient pas leur pile de dossiers diminuer. "Un chiffre paru en fin d'année dernière voudrait que chaque enquêteur aurait à traiter 100 dossiers en moyenne en même temps. Lorsque j'évoque ça avec mes collègues, certains éclatent de rire. En Seine-Saint-Denis, j'ai déjà vu un collègue avoir 1.000 dossiers à traiter. En toute transparence, la moyenne doit être autour de 300 dossiers par enquêteur mais quoi qu'il en soit, avec un chiffre pareil, il y en a que vous n'ouvrirez jamais, que vous n'aurez pas le temps de traiter et qui seront prescrits", détaille Yann Bastière. 

Les enquêteurs doivent en plus faire face à une explosion de la violence des dealers et des trafiquants. Selon nos informations, il y a plus de 70% d'homicide et de tentatives d'homicides entre voyous cette année par rapport à l'an dernier. Les auteurs de règlement de compte sont d'ailleurs de plus en plus jeunes et novices en la matière.

Un combat perdu d'avance ?

"Ce combat d'importance permet de limiter l'étendue du trafic et de pacifier les quartiers", explique Jacques Dallest, ancien juge d'instruction et ancien procureur, qui travaille sur ces questions depuis 40 ans. Ces dernières années, on lutte de plus en plus efficacement contre le "haut du spectre" du trafic de stupéfiants, ces chefs de réseaux et ces blanchisseurs bien souvent installés à l'international. Création de l'Office anti-stupéfiant (OFAST) en 2020, meilleure coopération internationale, saisie des avoirs criminels, lutte intensive contre le blanchiment d'argent : autant d'avancées " très positives" selon Jacques Dallest. "Il faut mener le combat à la source, auprès des têtes de réseaux, des blanchisseurs d'argent : c'est un travail de longue haleine puisque ces gens-là ne se trouvent pas dans la rue", explique le magistrat. 

Pour autant, Jacques Dallest estime qu'il faut rester lucide. "C'est une espèce de puits sans fond. La police et la justice font leur travail, les prisons sont pleines de personnes impliquées de près ou de loin dans le trafic de stupéfiants. Éradiquer un trafic, cela ne peut être que momentanée, dans un quartier, dans une ville. L'opportunité et la facilité de se faire de l'argent alors qu'il y a une forte demande susciteront toujours des trafics", conclut l'ancien juge. 

Un combat difficile contre un marché toujours aussi profitable. Selon l'INSEE, en France, les stupéfiants ont rapporté en 2021 près de 3 milliards d'euros aux trafiquants.

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