Le témoignage est accablant. Au lendemain de la mise en examen d'un policier pour viol et de trois de ses collègues pour violence volontaire en réunion à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), la victime de 22 ans a raconté dans un enregistrement audio fourni par son avocat lundi 6 février, sa version des faits. Toujours hospitalisé en raison de graves blessures au niveau de la zone rectale, Théo assure s'être retrouvé par hasard au milieu d'un contrôle d'identité. "Je me mets contre le mur, tranquillement, et là un des policiers vient et m'assène un coup", se remémore le jeune homme.
C'est alors qu'il voit l'un des policiers s'avancer, matraque en main. "Il me l'a enfoncée dans les fesses, volontairement. Je suis tombé sur le ventre, j'avais plus de force", explique la victime qui s'est vu prescrire 60 jours d'incapacité totale de travail. Il évoque ensuite des "coups", ses parties intimes "matraquées", des crachats et des insultes à caractère raciste. Son calvaire prendra fin dans les locaux de la police, lorsqu’un fonctionnaire aurait lancé : "Je pense qu'il faut l'amener se faire opérer, c'est grave".
Depuis cette interpellation qui a dégénéré, jeudi 2 février, cette cité de Seine-Saint-Denis est en proie à de fortes tensions. Pour le troisième soir consécutif, des incidents ont eu lieu dans la nuit de lundi à mardi 7 février. Selon un premier bilan établi peu après minuit, trois véhicules et quelques poubelles ont été incendiés et "plusieurs" personnes ont été interpellées. Un hélicoptère et un dispositif policier "renforcé" étaient déployés sur place. La veille, cinq jeunes ont été placés en garde à vue après des tirs de mortier artisanal.
"Traumatisés" par l'interpellation de Théo, plusieurs centaines d'habitants se sont réunis dans le calme lundi en début d'après-midi, en bas de l'immeuble de six étages où vit le jeune homme. De là, mères de famille en première ligne, le cortège a défilé à travers la cité, au chant de la Marseillaise et au cri "Justice pour Théo". Jusqu'à l'antenne de quartier du commissariat, près duquel un tag "policiers violeurs ! Baise les keufs" a été inscrit ce week-end.
"Y en a marre des cow-boys dans les quartiers", a fulminé Houria, 44 ans. Et de poursuivre, atterrée : "Mon fils a 15 ans, ce sera lui qui demain se fera baisser le pantalon et violer 'sans faire exprès' ?". Interrogée par RTL, le frère de Théo a tenu à faire la part des choses, "On respecte la police. Mais ces gens-là salissent le métier de policier. On est les premiers à condamner tout acte envers les policiers". Le Défenseur des droits, saisi par l'avocat du jeune homme, a annoncé qu'il lancerait des "investigations" sur cette "dramatique affaire qui illustre les conflits qui naissent parfois des contrôles d'identité".
Si les faits sont avérés, ils "pourraient être qualifiés de torture", a cependant estimé l'Action des chrétiens pour l'abolition de la torture (ACAT), s'appuyant sur une jurisprudence établie en 1999 par la Cour européenne des droits de l'Homme. Elle avait condamné la France "pour actes de torture" sur une personne en garde à vue victime "de nombreuses violences, dont des sévices sexuels au moyen d'une matraque".