C'était bien une requête nationale du Service central du renseignement territorial (SCRT) du ministère de l'Intérieur. Depuis la révélation par La Dépêche du Midi des courriers reçus par une centaine d'établissements scolaires de la région de Toulouse leur demandant le "pourcentage d'absentéisme" des élèves le jour de la fête de l'Aïd, vendredi 21 avril, la question se posait de savoir s'il s'agissait d'une requête nationale.
RTL a pu consulter l'instruction envoyée par mail le 25 avril à toutes les antennes départementales du renseignement territorial. Il est demandé noir sur blanc aux responsables locaux des ex-renseignements généraux des "éléments" sur la façon dont s'est déroulé le "mois sacré du Ramadan", avec cette précision en gras et soulignée : "Vous mettrez également l'accent sur l'absentéisme scolaire pendant cette période et plus particulièrement à l'occasion de la célébration de l'Aïd-el-Fitr le 21 avril". Dès le 26 avril, des dizaines de lycées, collèges et même écoles élémentaires recevaient à leur tour la demande transmise par le biais de policiers. La révélation de l'information par La Dépêche a provoqué l'indignation d'une large partie de la communauté éducative et de SOS Racisme qui a interpellé le ministère de l'Intérieur sur ces pratiques qui interroge au regard du respect de la laïcité. Les remontées globales sur le déroulement du mois de ramadan sont demandées chaque année au SCRT, le recensement des absences le jour l'Aïd est, lui, inédit.
Dans un communiqué diffusé dimanche soir, Sonia Backès, la secrétaire d'État auprès du ministre de l'Intérieur chargée de la citoyenneté, a concédé qu'une "évaluation du taux d'absentéisme lors de la fête de l'Aïd" a pu être demandée, "dans certaines académies", aux chefs d'établissement. L'Intérieur a également souligné qu'il ne s'agissait en aucun cas de fichage des élèves en fonction de leur religion et qu'aucune donnée nominative n'a été "ni demandée ni recensée à aucun moment". Une tournure qui laissait penser que la requête n'était pas nationale. Elle l'était. Si elle n'a pas été répercutée partout, c'est notamment parce que, dans certains départements, les renseignements territoriaux n'ont pas fait de zèle, d'après les informations de RTL, n'y donnant tout simplement pas suite. Dans l'Hérault, d'après Le Monde, c'est le directeur académique des services de l'éducation nationale (Dasen) qui a fait machine arrière.
Au-delà de la question du nombre de rectorats et d'établissement qui ont finalement donné suite, se pose la question de l'utilité d'une telle demande qui ne pouvait que mettre le feu aux poudres et qui a été interprétée, dès sa révélation, par la communauté éducative et les syndicats d'enseignants, comme une volonté de recensement des élèves musulmans. Une source proche du dossier au ministère de l'Intérieur reconnait sans détour "une maladresse" du Service central du renseignement territorial (SCRT) sur la méthode, tout en soulignant que l'évaluation des absences lors des grandes fêtes religieuses est "néanmoins classique". Sous-entendu : les chiffres auraient pu être demandées directement au ministère de l'Éducation par les services concernés au ministère de l'Intérieur.
Mais sur le fond, la plupart des syndicats d'enseignement ont exprimé leur désaccord total avec le recensement, quand bien même il s'agit de taux d'absentéisme. La loi de 2004 renforcée autorise en effet les élèves à être absents lors des "grandes fêtes religieuses qui ne coïncident pas avec des jours de congés", les absences les jours de l'Aïd ne constituent donc en aucun cas des atteintes présumées à la laïcité, qui fait bel et bien partie des missions du SCRT.