Les accusations sont lourdes. Un chirurgien grenoblois a été suspendu après des soupçons de fautes graves. C'est la sécurité sociale de l'Isère qui avait donné l'alerte. Son médecin-conseil chef a détecté 54 dossiers portant sur les années 2013 et 2014 "qui montrent que les patients ont été opérés sans justification médicale, ce qui les a exposés à un risque injustifié".
Le Conseil National de l'Ordre des Médecins, statuant en appel, porte un jugement sévère sur la façon d'exercer du chirurgien : "Le Docteur V. ne s'est pas préalablement assuré qu'il disposait de tous les éléments nécessaires à la prise d'une décision opératoire".
Le chirurgien n'aurait "pas respecté une technique opératoire conforme aux recommandations de bonnes pratiques de la Haute Autorité de Santé sur la pertinence de la chirurgie des lombalgies". Il est aussi constaté "dans de nombreux dossiers une absence dommageable de qualité dans le suivi opératoire".
Pour le Conseil de l'Ordre, le Docteur V. ne fournit aucune explication convaincante quant à l'évolution postopératoire défavorable avec complications constatées dans 30 dossiers, qu'elles aient été immédiates, secondaires ou tardives, se manifestant par des séquelles avec parfois la nécessité d'une mise en invalidité".
Pour conclure, le Conseil de l'Ordre évoque "un comportement gravement fautif, contraire aux obligations qui s'imposent à tout médecin", et "l'extrême gravité des manquements retenus". De son côté, l'avocat du Docteur V, réplique : "Mon client conteste ces accusations et a saisi le Conseil d'Etat".
À 45 ans ma vie est brisée
Christophe Fuselier
Aujourd'hui, plusieurs personnes opérées par le chirurgien grenoblois affirment que leur état actuel découle des pratiques de ce médecin. "Durant mon opération pour un mal de dos en 2007, ma veine iliaque a été sectionnée", explique Christophe Fuselier.
"Mes jambes n'ont pas été irriguées pendant un long moment. J'ai ensuite été victime de plusieurs infections. J'ai vécu un calvaire pendant près de 10 ans. J'étais sous morphine, sous antidépresseur. Et j'ai dû finalement me faire amputer de la jambe gauche", témoigne-t-il.
"À 45 ans ma vie est brisée", poursuit-il. "J'étais chauffeur-routier. Je ne peux plus travailler. Je me bats avec mon avocat pour faire reconnaître la responsabilité de ce chirurgien qui ne devrait plus jamais pouvoir opérer", estime-t-il. Un jugement du tribunal administratif, mettant en cause le CHU de Grenoble où exerçait alors le Dr V., a donné raison au patient. La procédure est actuellement en appel.
Serge Gillet, 62
ans, lui, a porté plainte au pénal. Opéré d'une hernie discale en 2014, ils se
déplace maintenant en fauteuil roulant. "Mes os étaient trop fragiles. Et
pourtant, il m'a mis dix vis dans le dos. Je n'aurais jamais dû être opéré. Je
souffre toujours. Ma vie est foutue. Mon appartement, c'est ma prison".
Frédérique Bagalino,
49 ans, quant à elle, s'est fait opérer d'une fracture de la cheville en 2009. "Le chirurgien m'a placé sur les os du matériel trop grand. C'était obligé que
ça casse. Il y a eu des infections. J'ai subi 40 à 50 opérations pour tenter de
sauver ma jambe. Mais en février dernier, j'ai dû subir une amputation tibiale.
Ma vie a été détruite. J'en veux énormément à ce docteur", explique-t-elle.
Maitre Edouard Bourgin, l'avocat de ces trois patients, a décidé de
saisir le procureur de Grenoble : "Je souhaite qu'une vaste enquête soit menée
sur ce médecin. La mansuétude à son égard a trop duré" estime-t-il. Le docteur V.
conteste, lui, par la voix de son avocat Me Boulloud, cette mise en cause de
ses anciens patients.
Commentaires