DOCUMENT RTL - "Un grand malade mental" : la lettre qui accable l'abbé Pierre

Afin d'éclaircir les zones d'ombre qui persistent sur les agissements de l'abbé Pierre, la Conférence des évêques de France (CEF) a annoncé donner accès à ses archives concernant l'une des figures majeures de l'Église française, sans attendre les 75 ans habituels.

Dans ces archives, conservées dans une chemise jaune, que RTL a pu consulter, se trouvent 216 documents : des lettres écrites par l'abbé Pierre, des échanges le concernant... Et une lettre, écrite par Monseigneur Veuillot, archevêque coadjuteur de Paris. Cette missive, datée du 13 mars 1964, a été rédigée à l'attention du cardinal de Montréal, quelques mois après une visite écourtée du fondateur d'Emmaüs au Québec. 

Cette photocopie date des années 1960 et est de très mauvaise qualité. Plusieurs lignes sont même illisibles. Mais un paléographe, un expert des écritures anciennes, parvient à faire émerger quelques passages accablants.

"Un grand malade mental"

Pour la première fois, le comportement de l'abbé Pierre est évoqué explicitement. Monseigneur Veuillot parle d'abord des "faiblesses" de l'homme d'Église, qui n'ont jamais été révélées au grand public. Il poursuit, plus crûment : "Il s'agissait en effet d'un grand malade mental", écrit-il, avant de détailler la "perte de tout contrôle de soi, notamment après les livres à succès" et des "jeunes filles [...] marquées pour la vie". 

"On a remarqué que les 'accidents' [entre guillemets dans le texte, NDLR] ne se produisent pas quand il a un guide qui se charge de lui", est-il écrit ensuite. Monseigneur Veuillot décrit alors l'abbé Pierre comme tentant d'"échapper aux contrôles et aux soins". 

Des propos qui traduisent l'impuissance de l'épiscopat français, malgré la mise en place d'"autorisations" obligatoires pour chaque déplacement de l'abbé Pierre. Il lui fallait l'aval de l'évêque référent, mais également celui de la ville dans laquelle il doit se rendre.

Ne pas "le briser psychologiquement"

Dans cette lettre, les consignes sont claires : il faut "l'escorter au plus près", "ne pas le perdre de vue", mais ne pas "le briser psychologiquement". Il est "impossible de le désavouer politiquement", explique ensuite Monseigneur Veuillot. "Ceux qui ont la responsabilité de son cas craignent un scandale". Cette lettre est écrite dix ans après l'Appel de l'hiver 1954 et la figure de l'abbé Pierre est alors écrasante.

Dès 1964, l'archevêque adjoint de Paris a donc connaissance du comportement de l'abbé Pierre. Pourtant, les agressions sexuelles et les viols que rapportent 24 femmes vont perdurer jusqu'au début des années 2000. 

Ce silence et cette protection dont a profité l'abbé Pierre, sœur Véronique Margron, religieuse dominicaine, a toujours du mal à comprendre. Elle a été parmi les premières au sein de l'Église catholique à dénoncer les abus sexuels, qu'elle qualifie de "systémiques". Mais maintenant que les langues se délient, la religieuse craint que ce ne soit que la partie "émergée de l'iceberg" et que seules les archives de l'Église ne peuvent apporter toutes les réponses. 

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