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DOCUMENT RTL - "Aujourd'hui, je l'appellerai un viol" : une victime de Misa, secte de yoga tantrique, raconte son calvaire

Plus d'un an après l'immense coup de filet en France contre la secte internationale de yoga Misa, présente dans une trentaine de pays, RTL vous plonge au sein de son organisation grâce au témoignage de l'une de ses victimes.

Gregorian Bivolaru escorté par des policiers à Bucarest, le 1er avril 2004

Crédit : STRINGER / AFP

DOCUMENT RTL - Secte internationale de yoga : "Les victimes ont mis la main dans un engrenage", raconte Me Bosselut

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DOCUMENT RTL - "Aujourd'hui, je l'appellerai un viol" : une victime de Misa, secte de yoga tantrique, raconte son calvaire

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Maxime Levy - édité par Jérémy Billault

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Il y a plus d'un an, le 28 novembre 2023, les policiers de l'Office central de répression contre les violences aux personnes (OCRVP) ont organisé un immense coup de filet partout en France contre une quarantaine de cadres présumés de la secte de yoga tantrique Misa (Mouvement pour l'intégration spirituelle dans l'Absolu).

À l'époque, Gregorian Bivolaru, le fondateur et gourou de la secte a également été interpellé en région parisienne et mis en examen notamment pour "traite d'êtres humains", "enlèvement et séquestration" et "viols". Il a toujours nié les faits, assurant être "non violent et préférant la paix". Son avocat ne souhaite pas s'exprimer à ce stade. Ce lundi 13 janvier, RTL révèle le récit de l'une des victimes de cette colossale organisation sectaire présente dans plus d'une trentaine de pays dans le monde. 

Une emprise par le langage

"Dès le début, le lavage de cerveau autour de tout ce qui concerne le sexe était très intense", raconte Ashley [le prénom a été modifié] à la juge d'instruction en charge de l'enquête française en avril dernier. Un jour d'octobre 2017, cette Anglaise d'une trentaine d'années se laisse tenter et rejoint la branche londonienne de Misa. À l'époque, la jeune britannique s'intéresse à la spiritualité, la méditation et réfléchit même à devenir professeure de yoga. À peine pousse-t-elle les portes de l'organisation, que le piège de la secte se referme sur elle. 

Au départ, elle pratique un yoga plutôt classique. Mais moins d’un an après son arrivée dans l’école, Ashley se retrouve à devoir faire des strip-teases, des jeux sexuels, doit apprendre à interrompre ses règles et entend même parler du "golden elixir" : la pratique de boire l'urine de son ou de sa partenaire.

Mais comment Ashley a-t-elle pu assimiler et accepter ces pratiques en aussi peu de temps ? "Ils ne parlent pas de relations sexuelles, mais d'actes d'amour tantriques", raconte-t-elle face à la juge. Elle détaille l'emprise psychologique qu'elle subit à l'époque avant de poursuivre : "ils nous expliquaient que l'urine était de l'eau qui projetait les émotions et contenait les qualités et les sentiments d'une personne". 

"Dans un premier temps, on enseigne le yoga, puis dans un second temps, on enseigne au groupe une version assez personnelle du yoga tantrique et on finit par dériver sur quelque chose d'éminemment sexuel".

Me Rodolphe Bosselut, avocat d'Ashley et de cinq autres femmes, auprès de RTL

"Dans un premier temps, on enseigne le yoga, puis dans un second temps, on enseigne au groupe une version assez personnelle du yoga tantrique et on finit par dériver sur quelque chose d'éminemment sexuel", explique Me Rodolphe Bosselut, l'avocat d'Ashley et de cinq autres femmes.


Au fil de son récit, Ashley décrit le langage utilisé par les cadres de l'organisation afin de conditionner les membres de la secte. "Ils décrivent ce qui est fait au sein de l’organisation comme étant complétement différent de ce qu’il se passe à l’extérieur, détaille Me Rodolphe Bosselut. Ce n’est pas du 'sexe', c’est de 'l’éros pur', c’est de 'l’énergie sexuelle'. Ce ne sont pas des 'relations sexuelles', mais des 'actes d’amour tantrique'.

"S'ils imposent le visionnage de films pornographiques, explique-t-il, c'est pour 'apprendre l'absence de honte érotique'. De même, au sein de la secte, on ne parle pas 'd'orgie' mais de 'développement spirituel'." C'est comme cela qu'elle finira par avoir des relations sexuelles avec de nombreux partenaires, hommes et femmes. Seules les relations entre hommes étaient prohibées. "Il y a une sorte de fusion entre la personnalité de la personne et l'idéologie du groupe", détaille Me Rodolphe Bosselut.

Les camps yogas à travers le monde

En août 2018, Ashley est invitée à la grand-messe annuelle du mouvement : un camp d'été au bord de la mer Noire dans une station balnéaire à Costinești, en Roumanie. Face aux enquêteurs, elle raconte que l'invitation est gratuite si elle consent, une fois sur place, à être prise en photo complétement dénudée. Sinon, elle devra débourser plus d'un millier d'euros. Elle accepte. 

Des clichés seront par la suite envoyés au tout-puissant gourou en personne, Gregorian Bivolaru qui a toujours nié recevoir ces photos afin d'opérer une sélection. Une fois sur place, les activités sont un mélange de pratiques qui semblent inoffensives comme méditer, lire, se regarder dans les yeux en groupe et des pratiques dégradantes et violentes. Ashley décrit des cérémonies dans lesquelles se mêlent des pratiques sexuelles collectives et l'absorption des urines des membres du groupe.

Lors de sa participation à un autre camp de yoga en janvier 2019 en Hongrie, Ashley explique avoir participé au tournage d'un film pornographique. Elle évoque également ces séances au cours desquelles certains responsables de l'organisation n'hésitaient pas à humilier publiquement des membres du mouvement : "si on est trop superficiel, si l'on est trop mince, si l'on va trop souvent en ville, on se faisait rabaisser devant tout le monde".

On m'a dit que l'initiation allait me transformer spirituellement et même résoudre les problèmes de ma famille.

Ashley, victime de la secte de yoga tantrique Misa

C'est au cours de cette année 2019 qu'Ashley reçoit son invitation à "l'initiation" : elle va rencontrer personnellement Gregorian Bivolaru. Cette entrevue avec le gourou est considérée comme une consécration au sein du mouvement, le but ultime à atteindre. "Les camps étaient là pour nous préparer à l’initiation avec Gregorian Bivolaru", expliquera-t-elle aux policiers, "je pensais que cela faisait partie du processus parce que toutes les femmes qui avaient fait des progrès avaient été initiées par Gregorian Bivolaru. On m'a dit que l'initiation allait me transformer spirituellement et même résoudre les problèmes de ma famille". 

Alors qu'elle est toujours en Hongrie, des cadres de l'organisation la conduisent directement en voiture à Paris, où réside le gourou. Une fois arrivée à la capitale, à peine le temps d'envoyer un dernier SMS à sa famille que son téléphone et son passeport lui sont confisqués et enveloppés dans du papier aluminium. 

Ashley contrainte de signer un accord de confidentialité attestant qu'elle n'a subi aucun viol

Elle change de voiture et se voit obligée de porter des lunettes de soleil et un chapeau. "Les lunettes étaient obscurcies par du ruban adhésif à l'intérieur", détaillera Ashley aux enquêteurs. Ces deux accessoires devaient être portés pendant tout le trajet jusqu'au pavillon qui accueillait les femmes et ne pouvaient être enlevées qu'en cas de contrôle de police. 

Une fois arrivée dans cette maison en banlieue parisienne, ses valises sont fouillées, sa carte bancaire confisquée. Ashley assure également qu'elle a dû réaliser des photos et des vidéos nues et signer de très nombreux documents et règlements, notamment un accord de confidentialité affirmant qu'elle n'a subi aucun viol. Pendant son séjour parisien, elle ne peut sortir que très rarement du pavillon et uniquement de façon encadrée. Son emploi du temps est rythmé entre les lectures de textes, les visionnages de films pornographiques et le yoga.

La coordinatrice m'a dit que c'était mon tour

Ashley, victime de la secte de yoga tantrique Misa

Le 13 juillet 2019, elle rencontre Gregorian Bivolaru. "La coordinatrice m'a dit que c'était mon tour, qu'il m'appelait. Moi et deux autres femmes devions préparer nos affaires pour partir", développe Ashley lors de sa première audition avec les enquêteurs. Toujours selon son récit, elle se rase entièrement le corps, prend une douche, quitte la villa et monte dans la voiture. 

Elle arrive dans un appartement sans horloge, les volets sont fermés, la lumière est tamisée. Lorsqu'elle tend l'oreille, elle perçoit les pleurs d'une femme. Plus le temps avance, moins elle a envie de se retrouver avec le gourou, mais le conditionnement qu'elle a reçu reprend toujours le dessus : "Je me disais que j'étais superficielle et que c'était une opportunité de progresser spirituellement". 

Le gourou finit par l'appeler, elle se déshabille et entre dans la chambre. "J'ai été surprise dans la chambre, car j'attendais une ambiance, une décoration, mais le lit était sale, il y avait des lumières néon et des livres par terre", s'étonne-t-elle face aux policiers. Là, commencent deux heures de relations sexuelles qu'Ashley décrit comme brutales."

Je ne sentais aucune connexion avec lui, mes émotions étaient la dépression et la fatigue. Il était mon maître et j'étais obligée de passer par là pour avoir un effet spirituel, mais à la fin, j'étais déçue". Elle trouve repoussant ce gourou que les adeptes considèrent comme un dieu et actuellement, elle ne qualifie plus cet instant d'initiation sexuelle : "Aujourd'hui, je l'appellerai un viol". Ce que Gregorian Bivolaru a nié en bloc en garde à vue : "Il n'y a pas eu de relations sexuelles, mais seulement érotiques", selon lui. 

"Je suis inquiète des dommages psychologiques et potentiellement physiques de mon passage dans cette organisation. J'ai des douleurs et des flashbacks encore aujourd'hui",

Ashley, victime de la secte de yoga tantrique Misa

Progressivement, Ashley parvient à prendre conscience qu'elle doit quitter la secte Misa. En 2021, elle finit par écrire à une thérapeute spécialisée dans la sortie de secte. Ce départ ne passe pas inaperçu, elle raconte avoir subi du harcèlement et avoir reçu des menaces par mail de la part des cadres dirigeants de la secte. Celle qui aujourd'hui se reconstruit doucement, enchaine les contrats d'enseignement à mi-temps. 

"Je suis inquiète des dommages psychologiques et potentiellement physiques de mon passage dans cette organisation. J'ai des douleurs et des flashbacks encore aujourd'hui", assure-t-elle. "Cet aveuglement leur est très difficile à accepter. À un moment donné, elles ont mis la main dans cet engrenage et ce conditionnement au long cours est très insidieux", conclut Me Bosselut.

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