Bernard Tapie a-t-il escroqué l'État ? Plus de dix ans après l'arbitrage qui lui avait accordé 403 millions d'euros pour solder son litige avec le Crédit Lyonnais, l'homme d'affaires est jugé, à partir de lundi 11 mars, devant le tribunal correctionnel de Paris.
À ses côtés, cinq autres prévenus : son ancien avocat Maurice Lantourne, le patron d'Orange Stéphane Richard, directeur de cabinet de la ministre de l'Économie Christine Lagarde à l'époque des faits, l'un des trois arbitres ayant rendu la sentence frauduleuse, Pierre Estoup, et les deux ex-dirigeants des entités chargées de gérer le passif du Crédit Lyonnais, Jean-François Rocchi et Bernard Scemama.
Tous les six nient les faits qui leur sont reprochés. Ce procès pénal, tant attendu par Bernard Tapie qui se dit "certain de démontrer" qu'il n'a pas "volé le contribuable", l'est aussi par l'ensemble des parties, désireuses de clore ce tentaculaire et interminable feuilleton.
Voici ce qui est reproché à chacun.
Il est imputé à l'ancien patron de l'Olympique de Marseille d'avoir été le maître d'oeuvre d'un "stratagème" lui garantissant un arbitrage favorable.
Pour les juges, grâce à un "entrisme forcené", Bernard Tapie a posé les jalons de cette décision favorable, non susceptible de recours, avant l'élection de Nicolas Sarkozy en 2007 à la présidence de la République, en activant "de façon incessante ses soutiens politiques dans l'appareil d'État" pour qu'ils privilégient la voie arbitrale.
Visiteur régulier de l'Élysée dès le début du mandat du nouveau président, l'homme d'affaires a obtenu, le 7 juillet 2008 du tribunal arbitral privé, 403 millions d'euros, dont 45 millions pour "préjudice moral".
Cet ancien haut magistrat, retraité depuis quinze ans du ministère de la Justice quand il est proposé comme arbitre par l'ancien avocat de Bernard Tapie Maurice Lantourne, a pour les juges eu un "rôle central". Principal rédacteur de la sentence arbitrale, il avait été le premier mis en examen dans ce dossier.
Sa "partialité" l'a mené à systématiquement favoriser Bernard Tapie, estiment les magistrats instructeurs, qui jugent que M. Estoup a "marginalisé" les deux autres arbitres, l'ancien président du Conseil constitutionnel Pierre Mazeaud et l'ex-grande voix du barreau Jean-Denis Bredin.
Il est également renvoyé pour "faux" pour ne pas avoir mentionné ses "liens anciens et réguliers" avec l'avocat de Bernard Tapie dans la déclaration d'indépendance signée lors de l'arbitrage.
Il est reproché à l'ancien avocat de Bernard Tapie d'avoir repris contact dès l'été 2006 avec Pierre Estoup, avec lequel il avait travaillé sur plusieurs arbitrages, avant de le désigner comme l'un des trois juges-arbitres.
Un mémoire d'honoraires de juillet 1999 mentionnant le nom de M. Estoup et des références au dossier Adidas révèle selon les juges une "collusion ancienne" entre les deux hommes "dans la défense des intérêts de Bernard Tapie".
Le patron d'Orange, qui était directeur de cabinet de Christine Lagarde à Bercy, est soupçonné d'avoir caché à la ministre de l'Économie des notes de l'Agence des participations de l'État, très hostile à l'arbitrage.
Stéphane Richard aurait également tu à la ministre la présence de Bernard Tapie à une réunion cruciale à l'Élysée autour de Claude Guéant, alors secrétaire général de la présidence, le 30 juillet 2007, avant que l'arbitrage ne soit officiellement validé.
Il est également soupçonné d'avoir rédigé, en concertation avec Jean-François Rocchi, le président du Consortium de réalisation (CDR), structure chargée de solder le passif du Crédit Lyonnais, une fausse instruction ministérielle portant la signature de Mme Lagarde, qui lançait la procédure arbitrale malgré l'exclusion de la banque des pourparlers.
Ce haut fonctionnaire proche de Claude Guéant a pris la tête du CDR quelques mois avant la décision de recourir à l'arbitrage, succédant à un dirigeant ayant toujours refusé de transiger avec Bernard Tapie.
Plus "complaisant" selon les juges, Jean-François Rocchi est accusé d'avoir lancé dès sa prise de fonctions, "dans la plus totale clandestinité" et après avoir écarté les avocats historiques du CDR, des "négociations poussées" avec la partie Tapie pour imposer la solution de l'arbitrage aux administrateurs, leur dissimulant des informations capitales et contraires aux intérêts de l'organisme.
M. Rocchi est à ce titre également renvoyé pour "usage abusif des pouvoirs sociaux par dirigeant d'une société anonyme".
La nomination "précipitée" de cet inspecteur général des finances à la présidence de l'EPFR (Etablissement public de financement et de restructuration) était intervenue quelques jours seulement avant le vote décidant de recourir à l'arbitrage. "Plus souple" que son prédécesseur et "totalement ignorant du dossier", il a selon les juges favorisé Bernard Tapie à la demande de Stéphane Richard.
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