Affaire Patrick Henry : comment Robert Badinter lui a t-il évité la peine de mort au terme d'un procès historique ?

Vendredi 30 janvier 1976, la cloche de midi sonne à l'école primaire de Pont-Sainte-Marie, proche banlieue de Troyes. Le petit Philippe Bertrand, sept ans, fait partie des écoliers qui se dépêchent de rentrer chez eux pour déjeuner. Philippe doit aller récupérer son petit frère à la toute proche maternelle de la Visitation. Il est prévu qu'ils retrouvent leur père devant le magasin de fleurs. Quand le papa arrive, il n'y a personne. 

Marie-Françoise Bertrand reçoit un appel. Un homme se présente comme le ravisseur de son fils. Il réclame un million de francs. La police tente de le localiser, en vain. Trois jours après le rapt du petit Philippe Bertrand, sa mère lance un appel, en direct à la télévision. "Je vous en supplie, rendez-le moi. Ne nous laissez plus souffrir. Tout ce que je veux, c'est retrouver Philippe", implore-t-elle. 

Mardi 10 février, dixième jour de disparition, le curé de Pont-Sainte-Marie, découvre dans sa boite aux lettres un gant, qui appartient au petit Philippe, et une lettre pour les parents, les instructions de remise de la rançon. Commence alors un cruel jeu de piste. La route s'achève dans la nuit à Montiéramey. Un concours de circonstances permet aux enquêteurs d'identifier le suspect. Un certain Patrick Henry, 22 ans, représentant de commerce est interrogé par le commissaire Charles Pellegrini. "C'est une petite racaille insolente", précise-t-il dans L'Heure du Crime, sur RTL.

"Un châtiment exemplaire"

Mardi 17 février, un informateur anonyme conseille aux policiers de se rendre dans une pension de famille, “les Charmilles”, rue Fortier. Les enquêteurs s'y rendent et mettent la main sur Patrick Henry. Sous le lit les policiers aperçoivent un paquet, une forme enroulée dans des draps et des couvertures. "Cherchez plus, c'est le gamin", déclare Patrick Henry d'une voix froide et sans affect selon les enquêteurs. Il avoue le meurtre du petit garçon.  

Le procès de Patrick Henry se rapproche à grands pas. Des personnalités de premier plan demandent contre lui la peine capitale. Michel Poniatowski, ministre de l'Intérieur, déclare : "Si j'étais juré, je vous dirais que je prononcerais certainement la peine de mort". Robert Galley, ministre et maire de Troyes annonce : "La population sera unanime avec moi pour réclamer un châtiment exemplaire".

L'avocat de Patrick Henry, Me Albert Bocquillon, est menacé. Il a dû rencontrer en secret, dans une auberge de campagne, son confrère parisien, Robert Badinter, adversaire déclaré de la peine de mort. Il l'a convaincu de l'aider à défendre Patrick Henry, enfant gâté, paresseux, attiré par l'argent facile et désormais assassin d’un enfant. "Pour Badinter, c’était très cruel parce qu’on le faisait revenir dans dans la même cour d’assises et devant le même juge que pour l’affaire Buffet-bontems où il avait échoué", rappelle Me Basile Ader, avocat et auteur de la pièce de théâtre : Le procès de Patrick Henry.

C'est une victoire qui va bien au-delà de l’histoire de Patrick Henry

Me Basile Ader, avocat au barreau de Paris

Mardi 18 janvier 1977, Patrick Henry est dans le box des accusés de la cour d'assises de l'Aube, à Troyes. On lui demande s'il plaide coupable. "Exact" répond-il. Le public s'étonne de découvrir un jeune homme "normal", presque banal. L'avocat de la famille s'étonne que Philippe soit resté si sage et n’ait touché à rien dans la chambre où il était séquestré. Aucune empreinte retrouvée. L'avocat général estime que Patrick Henry ment lorsqu'il raconte son crime. 

Après trois jours de procès, le sort de Patrick Henry semble scellé. Il n'échappera pas à la peine de mort. Ses avocats ne sont pas pour autant résignés. Robert Badinter qualifie la peine de mort de sentence d'un autre temps, inutile et sans effet sur la récidive. "Si vous le tuez, alors votre justice est injuste", affirme-t-il. "Il a cette façon d’inverser le sens naturel du procès, un peu comme Gisèle Halimi l’avait eu pendant le procès de Bobigny. Or, un procès va naturellement dans le sens de l’accusation", explique Me Basile Ader. 

Le verdict fait l'effet d'une onde de choc. Patrick Henri échappe à la condamnation à mort et écope de la perpétuité. "On considère que c’est vraiment le point de bascule. C’est pour cela que c’est une victoire qui va bien au-delà de l’histoire de Patrick Henry. Au moment où l’on trouve des circonstances atténuantes dans ce crime abominable, on se dit qu’on ne pourra plus jamais condamner quelqu’un à mort", indique Me Basile Ader. 

Les invités de "L'Heure du Crime"

- Me Basile Ader, avocat au barreau de Paris. Auteur de la pièce de théâtre : Le Procès de Patrick Henry.
- Commissaire Charles Pellegrini, ancien patron de l'OCRB (Office Central de la Répression du Banditisme). Auteur du livre : Histoire de PJ, aux éditions La Manufacture de livres. 

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