Il fait nuit noire le 14 novembre 1983, lorsqu'Habib Grimzi monte dans l’express 343 qui relie Bordeaux à Vintimille (Italie). L'homme de 26 ans s'apprête à rejoindre Marseille, pour rentrer en Algérie après un séjour marqué par une visite dans l'Hexagone. À minuit, il tombe nez à nez avec Anselmo Elviro-Vidal, Marc Béani et Xavier Blondel, trois hommes qui se dirigent à Aubagne (Bouches-du-Rhône), dans le but de passer des tests d'engagements dans la Légion étrangère.
Vincent Pérez, un contrôleur de la SNCF, sépare Grimzi des trois hommes, après que ces derniers lui ont assené plusieurs coups. Les aspirants légionnaires n'entendent pas le laisser tranquille et arrivent à atteindre l'Algérien dans un autre compartiment du train, le rouent de coups et éjectent ce dernier de l'appareil. Mortellement évincé près de Montauban (Tarn-et-Garonne), Habib Grimzi y est retrouvé le lendemain matin, le 15 novembre.
Jean-Baptiste Harang, qui était journaliste pour Libération au moment des faits, a publié Bordeaux-Vintimille (Grasset, 2013), un livre qui retrace ce crime aux origines racistes. Dans Les Voix du crime, il revient sur le passé de cette jeune victime au cœur de l'histoire.
Né en 1957 à Tafraoui, une ville située au nord-est de l'Algérie, Habib Grimzi est l'aîné d'une famille de 13 enfants originaire d'Oran. Il travaillait en tant qu'agent de sécurité à la Naftal, une entreprise pétrolière algérienne. En 1983, il se rend pour la première fois en France pendant ses congés, à Bordeaux, pour y rencontrer Florence Dupuy, une correspondante française de 21 ans, originaire de Saint-Savin (Gironde), avec qui il entretenait une relation épistolaire amicale depuis le secondaire.
"Il n'avait pas choisi cette jeune femme comme correspondante, elle lui avait été imposée. Ils s'étaient très bien entendus de façon épistolaire. Sur plusieurs années, ils avaient échangé beaucoup de courriers. Il était probablement un petit peu amoureux, cet amour n'était peut-être pas partagé (...). Il a écourté son séjour à Bordeaux, il est resté deux ou trois nuits", raconte Jean-Baptiste Harang au sujet d'Habib Grimzi. La mort de ce dernier imprègne les marches antiracistes de 1983, également appelées "marches des Beurs".
Le 22 janvier 1986, près de trois ans après les faits, le procès des trois meurtriers s'ouvre devant la cour d'assises du Tarn-et-Garonne. Pour l'occasion, les parents d'Habib Grimzi sont venus d'Oran. À fin des débats, le père du jeune touriste oranais s'est exprimé : "J'ai planté un arbre et on me l'a arraché". "Je me souviens de cette phrase, déclare Jean-Baptiste Harang. Il l'a dit en arabe, et ça a été traduit par son interprète (...). Ces gens-là ne comprenaient pas, mais n'avaient aucun esprit de vengeance".
Marc Béani, l'un des agresseurs, voit en février 1987 sa peine cassée pour vice de forme. Lors d'un second procès, ce dernier est condamné à 20 ans de réclusion criminelle par la Cour. Marqués par les évènements, "les parents d'Habib Grimzi ne sont pas venus", ajoute Harang.
>> Les Voix du crime sont avocats ou avocates, enquêteurs ou enquêtrices, proches de victimes, de suspects ou de coupables. Ces témoins-clefs se confient au micro des journalistes de RTL. Des témoignages inédits, qui apportent un éclairage nouveau sur la justice et les grandes affaires criminelles d’aujourd’hui.
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