Il est 22h27, le 14 novembre 1983, lorsque Habib Grimzi monte dans l’express 343 qui relie Bordeaux à Vintimille, une ville italienne située à la frontière française. Ce jeune touriste algérien vient de quitter une amie et correspondante française qu’il avait rejoint à Bordeaux, et s'apprête à regagner l'Algérie. Sous les coups de minuit, le jeune homme de 26 ans rencontre trois hommes également âgés d'une vingtaine d'années.
Anselmo Elviro-Vidal, Marc Béani et Xavier Blondel, sont tous les trois des aspirants légionnaires partis s'engager à Aubagne (Bouches-du-Rhône). Ivres, les trois protagonistes le croisent seul dans un compartiment du train, ce dernier écoute de la musique sur un baladeur. L'objet lui est arraché par Elviro-Vidal, qui roue Grimzi de plusieurs coups, jusqu'à l'intervention de Vincent Pérez, un contrôleur de la SNCF qui place le jeune Algérien dans un autre wagon du train.
Un choix qui ne freine pas les trois aspirants légionnaires qui le retrouvent peu après, et commettent un acte aux conséquences irréversibles. "Et là, ils l'achèvent, ils le passent à tabac (...). Ils lui plantent un couteau dans l'épaule, au moins à deux reprises. Ils ouvrent la porte, le jettent par la portière du train en marche", raconte l'écrivain et journaliste Jean-Baptiste Harang qui a suivi l'affaire dans Les Voix du crime.
À près de cent à l'heure, près de Montauban, dans le Tarn-et-Garonne, il se fracasse sur une pierre et meurt sur le coup.
Jean-Baptiste Harang
Le corps d'Habib Grimzi est projeté violemment. "À près de cent à l'heure, près de Montauban, dans le Tarn-et-Garonne, il se fracasse sur une pierre et meurt sur le coup", poursuit Jean-Baptiste Harang. À l'époque, il est correspondant pour Libération et apprend la nouvelle via la presse locale. En 2013, il décide de revenir sur l'affaire dans un livre intitulé Bordeaux-Vintimille (Grasset, 2013).
Crime aux motivations racistes ? Individus sous emprise de l'alcool ? Le mobile reste flou, mais plus de 90 passagers assistent à cette scène de défenestration, et ce, sans réagir. "Les voyageurs, ceux qui continuaient, n'ont pas bronché. Ceux qui descendaient à Toulouse se sont enfuis et dispersés. Personne n'a donné sa version des choses, mais personne n'a vu grand-chose. En vérité, il n'y a que les compartiments les plus proches qui auraient pu témoigner", ajoute M. Harang.
Constatant l'absence d'Habib Grimzi à bord du train, Vincent Pérez, le contrôleur, décide de sonner l'alerte en gare de Toulouse. Un geste qui permet au service régional de police judiciaire (SRPJ) de la ville d'arrêter les trois apprentis légionnaires, qui sont ensuite placés en garde à vue. Le 17 novembre 1983, trois jours après les faits, une autopsie pratiquée révèle que la victime était encore vivant au moment où il a été défenestré sur la voie de train.
Le meurtre d'Habib Grimzi intervient près d'un mois pile après le début de la "Marche des Beurs", une grande marche pour l'égalité et contre le racisme en France organisée du 15 octobre au 3 décembre 1983, et qui mobilisent jusqu'à 100.000 personnes. Cette manifestation non-violente, qui donnera lieu à l'entrée en vigueur de la carte de séjour de dix ans pour les personnes étrangères, se voit affectée par ce crime raciste.
"Les trois agresseurs voyageaient sous la responsabilité d'un officier de la Légion étrangère, donc on pouvait suspecter un crime raciste. C'était à l'époque de la mise en vitesse de "Touche pas à mon pote" (...). Il y avait des journalistes dedans et c'était un feuilleton quotidien dans le journal. La rédaction m'a donné toute la place que je pouvais occuper dans le journal pour traiter cette affaire. Et moi, j'avais à cœur de la faire connaître", explique M. Harang.
Habib Grimzi, c'est quelqu'un dans ma vie
Jean-Baptiste Harang
Trois ans après les faits se tient le 22 janvier 1986 le procès d' Anselmo Elviro-Vidal, Marc Béani et Xavier Blondel pour le meurtre d'Habib Grimzi à la cour d'assises du Tarn-et-Garonne. Au terme de celle-ci, les deux premiers écopent de la peine de prison à perpétuité, tandis que des circonstances atténuantes sont accordées à Blondel, qui est condamné à 14 ans de réclusion criminelle.
En 1987, la peine de Marc Béani, cassée pour vice de forme, est ramenée lors d'un deuxième procès à 20 ans de réclusion par la cour d'assises de la Haute-Garonne. Il a depuis a été tué en par des codétenus. Plus de 40 ans après, Jean-Baptiste Harang pense encore régulièrement à cette affaire. "Trois jeunes de 20 ans qui tuent un quatrième jeune de 20 ans, peut-être parce qu'il a une tête qui ne leur revient pas parce qu'il est arabe, ça arrive encore aujourd'hui. Pas de façon aussi spectaculaire, mais les crimes racistes existent aujourd'hui (...). Habib Grimzi, c'est quelqu'un dans ma vie", ajoute-t-il.
>> Les Voix du crime sont avocats ou avocates, enquêteurs ou enquêtrices, proches de victimes, de suspects ou de coupables. Ces témoins-clefs se confient au micro des journalistes de RTL. Des témoignages inédits, qui apportent un éclairage nouveau sur la justice et les grandes affaires criminelles d’aujourd’hui.
Deux fois par mois, l'une de ces Voix du crime nous raconte son point de vue sur une affaire criminelle. Un podcast RTL.
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