Spécialiste des arnaques et des faux papiers, Christelle Doisy a longtemps multiplié identités, cavales et mensonges depuis la fin des années 90. Derrière les faits, se dessine le portrait d'une femme au parcours atypique, qui aligne les victimes : bien souvent des hommes croisés sur des sites de rencontre.
Parmi eux, Frédéric Descours, son ex-mari, accusé de complicité vis-à-vis des infractions commises par son ex-femme. Pourtant, celui qui est aussi père de leurs deux enfants se présente comme une victime manipulée par Christelle Doisy.
Procureur de la République d'Amiens, Jean-Philippe Vicentini a endossé le rôle d'avocat général lors du procès du couple Doisy-Descours. "Frédéric Descours a une personnalité, en tout cas à l'audience, aux antipodes de celle de Mme Doisy" se rappelle le magistrat dans Les Voix du crime. "Il a beaucoup parlé pendant deux jours, ce qui était un petit peu en contraste avec la personnalité qu'il a voulu présenter au tribunal, qui est quelqu'un qui aurait été totalement manipulé par Mme Doisy".
Je n'ai pas pu être convaincu, même si c'est sa thèse, que pendant ces six années, il a été manipulé, voire "drogué"
Jean-Philippe Vicentini
Agriculteur à la retraite originaire d'un petit village de Dordogne, Frédéric Descours est un ancien militaire de la marine nationale. Au sein du couple qu'il forme depuis 2010 avec Christelle Doisy, les rôles sont inégaux, et l'attitude de cette dernière interroge. "Pendant les six années qu'elle a passé avec Frédéric Descours, elle ne travaillait pas. Frédéric Descours ne travaillait pas, mais il avait sa pension de militaire en retraite qui s'élevait à peu près à 1.800 euros. Mais voilà, il fallait quand même assurer le quotidien", raconte M. Vicentini.
Au cœur des soupçons, l'homme de 57 ans, au casier judiciaire vierge, avait refusé une première fois une soumission à une expertise psychologique, qu'il a fini par réaliser. Bien qu'il se dit être victime de Christelle Doisy, les experts-psychologues et son entourage disent le contraire. C'est aussi ce que pense M. Vicentini, qui a eu les mêmes conclusions à son sujet.
"Frédéric Descours, dans tout le dossier, est décrit par ses proches comme quelqu'un qui a de la personnalité, comme quelqu'un qui n'est pas facilement influençable, même si, effectivement, un certain nombre de témoignages décrivent qu'il avait un peu changé de personnalité à partir du moment où il a rencontré Mme Doisy", explique M. Vicentini.
"Je n'ai pas pu être convaincu, même si c'est sa thèse, que pendant ces six années, il a été manipulé, voire 'drogué'", ajoute-t-il. Embarqué dans la longue série d'escroqueries de Christelle Doisy, Descours voit en mars 2016, les gendarmes de la section de recherche de la gendarmerie d'Amiens toquer à la porte de leur domicile, dans un petit village de la Somme.
L'idée, c'était : 'il a été sous une contrainte morale forte qui lui a fait perdre son libre arbitre, et donc, vous ne pouvez pas le condamner'.
Jean-Philippe Vicentini
Un témoignage va bouleverser le cours de l'affaire, celui d'une jeune fille au pair qui a passé huit mois au sein du domicile Doisy-Descours. La jeune femme de 18 ans dit avoir été manipulée et droguée à plusieurs reprises pendant huit mois. Elle décrit également un comportement violent du quinquagénaire. "Pour elle, elle est très claire, ce qu'elle a subi, ce qu'elle a vécu, est autant lié à Mme Doisy que M. Descours, même si effectivement on a l'impression que dans ses propos, les violences psychologiques étaient plus le fait de M. Descours que de Mme Doisy", confie M. Vicentini.
À la suite des confessions de la jeune fille au pair, le couple, qui a eu une cinquantaine d'adresses de 2010 à 2016, est poursuivi pour "traite d'êtres humains". Complice aux yeux des enquêteurs, Frédéric Descours comparaît en septembre 2024, au tribunal d'Amiens aux côtés de Christelle Doisy. Lui, nie les faits qui lui sont reprochés. "Je pense que ça faisait partie, effectivement, d'une construction qui, encore une fois, est tout à fait louable de la défense, de vouloir démontrer que (...) Frédéric Descours est aussi une victime de Madame Doisy, qui avait fait 'tout ça à l'insu de son plein gré', explique M. Vicentini.
Le 13 septembre 2024, Frédéric Descours est condamné à cinq ans de prison, malgré la relaxe plaidée par son avocat. "L'idée c'était : 'il a été sous une contrainte morale forte qui lui a fait perdre son libre arbitre, et donc, vous ne pouvez pas le condamner'", affirme M. Vicentini. Frédéric Descours décide de faire appel. Christelle Doisy, elle, est condamnée à sept ans de prison.
>> Les Voix du crime sont avocats ou avocates, enquêteurs ou enquêtrices, proches de victimes, de suspects ou de coupables. Ces témoins-clefs se confient au micro des journalistes de RTL. Des témoignages inédits, qui apportent un éclairage nouveau sur la justice et les grandes affaires criminelles d’aujourd’hui.
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