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Le président syrien par intérim, Ahmed Al-Charaa.
Crédit : Ozan KOSE / AFP
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Feux d'artifice, prières et drapeaux... Des milliers de Syriens sont descendus dans les rues de Damas ce lundi 8 décembre pour célébrer l'anniversaire de la chute de Bachar al-Assad. Depuis sa fuite du pays, le dictateur déchu se fait discret. Il vit désormais luxueusement à Moscou, en Russie, où il a trouvé refuge avec sa famille. Pendant 24 ans, le "boucher de Damas" a dirigé d'une main de fer la Syrie. Son règne a été marqué par 13 ans de guerre civile et plus de 500.000 morts.
Un an après la fin de l'ère Assad (la famille a été au pouvoir plus de 50 ans), le nouveau dirigeant syrien, Ahmed al-Charaa, a réhabilité la Syrie sur la scène internationale mais reste confronté à des défis majeurs en matière de politique intérieure (sécurité, économie, justice). Nombre d'observateurs restent d'ailleurs critiques à l'égard du chef d'État notamment sur sa manière de concentrer le pouvoir et de ne pas faciliter la transition démocratique annoncée.
"Il a permis de faire tomber la dictature, une dictature criminelle. Cette chute peut amorcer un processus de démocratisation, mais j'imagine mal que ce processus de démocratisation soit initié par Ahmed al-Charaa. Je peux me tromper, mais je ne vois pas non plus jouer le rôle de la démocratie", explique Nicolas Hénin, journaliste spécialiste du Moyen-Orient, à RTL.fr
Politologue syrien, Salam Kawakibi est sur la même ligne. Pour lui, au niveau intérieur, "il n'y a pas d'activité politique proprement dite". Le spécialiste reste aussi sceptique sur le parlement constitué par le nouveau régime. "C'est un parlement qui n'est pas un parlement. Ces membres sont nommés en partie par le président, en partie par une commission choisie par le président. C'est un peu du bricolage de la vie politique, regrette-t-il. Il n'y a pas de parti politique encore autorisé. Il n'y a pas de syndicats élus..."
À l'inverse, Ammar Abd Rabbo, journaliste franco-syrien indépendant, nuance et salue les efforts du pouvoir actuel. "S'il était vraiment resté djihadiste, il n'y aurait pas dans son gouvernement une femme chrétienne, précise-t-il à RTL.fr Certains peuvent dire que c'est l'arbre qui cache la forêt. Mais elle est quand même là. Elle parle au nom de Charaa et de son pouvoir. C'est vraiment très compliqué, on est dans des nuances de gris, ce n'est pas tout noir ni tout blanc".
Si le processus démocratique prend du temps, au grand regret des Syriens, cela s'explique aussi par la multitude de communautés présentes dans le pays (Kurdes, Druzes, chrétiens). "Il y a des gens qui ont des différentes visions de la Syrie. Des gens ont une vision très laïque, très ouverte, très inclusive, et d'autres sont plus intégristes, on va dire, plus exclusifs, plus compliqués. Et les deux ont la légitimité", insiste le journaliste franco-syrien à RTL.fr
Selon Nicolas Hénin, Ahmed al-Charaa reste encore "profondément faible" dans son pays. L'ancien jihadiste de 43 ans doit s'adapter aux "aspirations de Syriens qui sont très divergentes entre sa base qui est intégriste musulmane, la moyenne du pays qui est musulmanes plutôt conservatrices, mais aussi des franges qui sont très séculaires", précise-t-il.
Salam Kawakibi, lui, ne cache pas son inquiétude à ce sujet, surtout après la conférence nationale organisée en février 2025. "Il y a eu un dialogue national superficiel qui a été organisé à la hâte. On a dit des belles choses sur la cohésion, sur la tolérance, sur le vivre ensemble. Ce sont des clichés, mais il n'y a rien eu de concret sur le terrain. (...) Le dialogue national, ça doit commencer dans les quartiers avant d'aboutir à faire une conférence nationale avec les dirigeants et les représentants de tous les Syriens".
Tout reste encore à faire en Syrie. Mais le pays, confronté à une guerre civile pendant quatorze ans, semble tout de même retrouver des réflexes jusque-là oubliés. À commencer par la liberté d'expression des Syriens. "La seule chose, je crois, très positive, c'est que la parole est libérée. Les gens parlent comme ils veulent, il n'y a pas les visiteurs de nuit, il n'y a pas les arrestations arbitraires", explique à RTL.fr Salam Kawakibi, dont le dernier voyage en Syrie remonte à octobre 2025.
Une libération de la parole constatée également par Ammar Abd Rabbo. "On voit des gens partout, dans les cafés, dans les taxis, dans la rue, critiquer Chareh ou critiquer son pouvoir. Il y a ceux qui disent qu'il ne sait pas s'habiller, ceux qui disent 'pourquoi il aime bien Trump, qu'est-ce que c'est que ce truc ?'. Tout ça dans des cafés, dans des endroits totalement publics. Il y a eu même du stand-up en Syrie, on n'avait jamais vu ça avant".
Nicolas Hénin, lui, reste prudent. En particulier lorsqu'il s'agit d'évoquer les médias. Le journaliste prend exemple de l'agence officielle de l'État, Sana. "Elle s'est mise à tresser les mêmes louanges à Ahmed al-Charaa qu'elle tressait la veille pour Bachar el-Assad", regrette-t-il.
Une chose est sûre, le processus démocratique risque de prendre du temps. Ammar Abd Rabbo en est convaincu et rappelle, en prenant exemple sur la Révolution française, qu'une révolution "dans le meilleur des cas, ça met 10 ans, parfois ça met 20 ou 30 ou 100 ans".
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