L'image de la semaine nous emmène à Alep, à la rencontre de Monsieur Anis. Un vieil homme, assis seul sur le rebord d'un lit, fume une pipe rafistolée. On pense au tableau d'Edward Hopper, Morning Sun, mais nous sommes bien à Alep, dans la chambre d'une maison des années 30 dévastée. Les fenêtres et les murs sont détruits, les gravas jonchent le sol et les draps.
Sur son gramophone à manivelle installé à côté de lui, Mohammed Mahiedine Anis écoute seul un vieux disque. Son titre : Hekaya, "histoire" en arabe. "Quand on est rentré dans sa chambre à coucher, c'était quasiment un tableau. On n'aurait pas pu imaginer une image de la guerre aussi vraie, aussi détaillée que cette chambre à coucher, avec des éléments détruits, ce lit qui est toujours là. Il y avait même une robe de mariée", décrit Sammy Ketz, chef du bureau de l'AFP au Liban, auteur du reportage avec le photographe Joseph Eid.
Dans son quartier, Monsieur Anis est connu comme le loup blanc. Pour tous, il est le collectionneur de vieilles voitures. Il en possède une vingtaine des années 50. Des Cadillac, Buick, Chevrolet, désormais défigurées par les bombardements. "Elles pleurent", dit-il. "Il m'a dit 'je vais guérir, soigner mes voitures blessées, elles vont retrouver vie (...) j'ai les pièces et elles vont revivre'", raconte Sammy Ketz.
Dans sa jeunesse, Monsieur Anis étudiait la médecine en Espagne. Le vieil homme a traduit des manuels pour Fiat, avant de monter à Alep une fabrique de rouge à lèvres. Ces deux derniers mois, il avait quitté la ville. Plongé dans ses souvenirs, toujours optimiste, il rêve de l'après. Ce jour où, dans les rues animées d'Alep, le son de ses moteurs aura remplacé le bruit des armes, les larmes. Pour l'heure, il n'y a toujours pas l'électricité dans certains quartiers de la ville, et Monsieur Anis tourne la manivelle de son gramophone.
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