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Solidarité internationale : la France rogne sur ses aides au développement
La France ne cesse de réduire son budget consacré à l'aide internationale, mais veut tenir ses promesses.
Annick Girardin, ministre de la Fonction publique, à l'Élysée, le 27 août 2014.
Crédit : BERTRAND GUAY/ AFP
Contrainte de réduire ses dépenses, la France ne cesse de rogner sur son aide au développement au grand dam des ONG et d'experts mais le gouvernement socialiste assure vouloir tenir ses promesses.
"L'aide publique au développement (APD) n'est pas sacrifiée, la France n'a pas à rougir de son effort de solidarité", a lancé Annick Girardin, la secrétaire d'Etat au Développement, lors d'une audition mercredi devant la Commission des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale. "Les discours c'est bien, les moyens c'est mieux", a rétorqué le député de l'opposition de droite Jacques Myard.
Je comprends le besoin de faire des économies mais à ce niveau, ça devient inquiétant
Philippe Baumel, député PS
"Le montant global de cette aide n'a cessé de diminuer. D'après l'OCDE, la France a vu baisser son aide de 9,8% depuis 2012, c'est considérable. Je comprends le besoin de faire des économies mais à ce niveau, ça devient inquiétant", renchérit le député Philippe Baumel, membre de l'aile gauche socialiste.
Il s'interroge sur l'objectif fixé par l'ONU pour les pays développés de consacrer 0,7% du revenu national brut (RNB) à l'APD. La France consacre pour l'heure environ 0,40% du RNB à l'aide au développement. Selon le projet de loi de finances, le budget consacré à l'aide internationale va continuer à baisser de quelque 3% à 2,8 milliards d'euros en 2015, après 2,9 milliards en 2014, puis à 2,7 milliards d'euros en 2016 et 2017.
Il y a une baisse structurelle de l'aide (...) mais en plus, une part de plus en plus en faible de cette aide va vers les pays moins avancés. Moins de 25%!
Friederike Röder, dec l'ONG ONE France
"Il y a une baisse structurelle de l'aide (...) mais en plus, une part de plus en plus en faible de cette aide va vers les pays moins avancés. Moins de 25%!", précise Friederike Röder, de ONE France, l'ONG cofondée par le chanteur de U2 Bono.
La secrétaire d'Etat justifie ces baisses par le contexte économique: "Vous connaissez la situation budgétaire (...). Le 0,7% du RNB alloué au développement, on ne l'oublie pas. Il est inscrit dans la loi, c'est un principe acté (...). Il n'y a pas de dates mais dès qu'on retrouvera le chemin de la croissance, le budget du développement sera amendé de façon à atteindre le 0,7%. Même si aujourd'hui on en est loin, il faut absolument qu'on y travaille".
La France veut tenir sa promesse de 20 milliards d'euros pour l'Afrique
Elle assure que la France tiendra la promesse de 20 milliards d'euros en 5 ans pour l'Afrique, faite par le président François Hollande et qu'elle "cible mieux" les pays aidés. Elle nuance aussi les coupes: les financements innovants (taxes sur les transactions financières ou billets d'avion) font passer la baisse nette de 2,79% à 1,51%.
"Ce n'est pas très correct de boucher des trous" avec des revenus qui ne devaient initialement pas figurer dans les calculs, dénonce Friederike Roder. Elle accuse la France de jouer aussi sur d'autres chiffres: "L'OCDE intègre les dépenses domestiques (bourses aux étudiants étrangers notamment) dans ses estimations, mais la moyenne OCDE de ces dépenses domestiques est de 13% (de l'ADP). Elle est de 26% en France!".
La France est le 5e donateur mondial
La France, 5e donateur mondial, jadis un exemple, avec en parallèle des ONG très actives, est aujourd'hui en perte de vitesse, selon Antoine Glaser, journaliste spécialiste des relations franco-africaines. "La présence militaire sert de cache misère à toute une présence française en déshérence", explique l'auteur d'AfricaFrance (Fayard, 2014).
Il cite le nombre de coopérants techniques passé de plus de 11.000 à environ 2.000, le fait que l'Afrique a absorbé le plus grand nombre des suppressions de postes diplomatiques, la fermeture de Centres culturels français... Et il souligne qu'une bonne partie de l'aide est "noyée dans les canaux multilatéraux".
On comprend les problèmes économiques mais la France est à contre-courant des autres donateurs
Friederike Röder, dec l'ONG ONE France
"Ce qui paradoxal, c'est que la France qui avait une position dominante dans certains pays se retire (...) alors que l'Afrique se mondialise", précise-t-il.
Pour Friederike Roder, "On comprend les problèmes économiques mais la France est à contre-courant des autres donateurs. (...) Le Royaume-Uni respecte l'objectif de 0,7% (...) l'Allemagne donne plus de 2 milliards de plus que la France. C'est une question de volonté politique".
