"Destruction créatrice" : pour Lenglet, il est "capital" d'écouter Philippe Aghion, prix Nobel d'Économie

Un économiste passionné et chaleureux, cela peut sembler aussi improbable qu'un boucher végétarien. Et pourtant, c'est ce qu'est ce brillant spécialiste de 69 ans qui est d'origine égyptienne, qui est aujourd'hui l'un des hommes les plus influents de sa discipline.

Il a enseigné dans les plus grandes institutions du monde : Harvard, le MIT, le Collège de France, la London School of Economics. Ce qui lui vaut le prix décerné hier par la Banque de Suède, ce sont ses travaux sur la destruction créatrice.

Quand on invente la voiture au début du XXe siècle, elle remplace peu à peu les charrettes, les calèches et les cochers. Cette innovation majeure libère une productivité formidable, parce que les livreurs font beaucoup plus de courses dans la journée, les vendeurs étendent leur zone de prospection, et donc leur chiffre d'affaires. Chacun devient plus productif.

Toute croissance est par nature aussi de la destruction

Ce concept a été élaboré par un Autrichien au début du XXe siècle, Joseph Schumpeter, mais Philippe Aghion et son collègue canadien, qui a eu le Nobel avec lui, montrent que l'innovation est la source de la croissance sur le long terme. 

Toute croissance est par nature aussi de la destruction. Quand l'automobile s'impose, les cochers se retrouvent au chômage. Les éleveurs de chevaux souffrent parce que la demande de quadrupèdes s'effondre, tout comme ceux qui font du fourrage.

Et puis, à l'inverse, ce sont les producteurs d'acier qui voient leur activité décoller. L'industrie du carburant aussi, pour les moteurs. L'activité s'affaiblit donc dans les campagnes et elle s'intensifie dans les villes. Ce sont des mouvements très violents, très puissants, même si on ne les voit pas à l'œil nu.

"Nos gouvernements gagneraient à écouter" Philippe Aghion

Mais malgré les victimes, pourtant, le bénéfice pour la collectivité est considérable, grâce à la productivité qui s'améliore. C'est cela qui a permis d'augmenter les salaires et de diminuer le temps de travail sur les deux derniers siècles.

L'innovation est un mouvement perpétuel, plus ou moins intense, nourri par l'inventivité humaine qui est sans limite. Parfois, il y a des substitutions inattendues. Par exemple, l'appareil photo, qui a été tué par le smartphone, on ne s'y attendait pas ! Autre exemple, le transport aérien a vu l'arrivée d'un nouveau concurrent avec les logiciels de visio, qui permettent de tenir des réunions à distance et qui diminuent la demande de transport.

Les victimes de cette destruction créatrice, il faut les aider en les indemnisant ou en les reconvertissant. Les cochers peuvent devenir chauffeurs de taxi. L'essentiel, c'est de préserver ce puissant mouvement d'innovation avec les bonnes politiques, fiscales et industrielles. Philippe Aghion fait des préconisations que nos gouvernements gagneraient à écouter. L'enjeu est capital puisque c'est notre niveau de vie et le financement de notre modèle social.

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