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Violences conjugales : comment Cécile a été tuée malgré des dizaines de plaintes

Cette mère de famille de 44 ans a été tuée par son ex-mari, pourtant deux fois condamné par la justice.

La police sur les lieux d'une prise d'otage le 17 décembre 2020 à Domont (Val-d'Oise)
La police sur les lieux d'une prise d'otage le 17 décembre 2020 à Domont (Val-d'Oise)
Crédit : GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP
Ryad Ouslimani & AFP

Pourtant Cécile, 44 ans, avait pris les précautions qu'elle croyait suffisantes pour fuir son mari violent. Elle avait pris ses trois filles pour s'installer chez ses parents et ne plus être dans la ligne de mire de son ex-mari condamné deux fois, à la suite de dizaines de plaintes. Pourtant, le 17 décembre, Dominique 58 ans a tué son ancienne compagne avant de se donner la mort. 

Dans leur entreprise d'aménagement paysager de Domont, dans le Val-d'Oise, il est arrivé armé d'un fusil, a blessé deux employésavant de se retrancher avec Cécile. Cette dernière avait appelé les gendarmes mais trop tard, son ex-époux l'a tuée et dans la foulée s'est suicidé. 

La mort de la quadragénaire est un énième fait divers, qui est venu encore allonger la liste des féminicides commis depuis le début de l'année en France - 146 y ont été officiellement enregistrés en 2019, 25 de plus que l'année précédente. Une énième victime qui, pour sa famille, aurait pu, aurait dû être évitée.

Une "erreur de casting" ?

"Jamais je n'aurais pensé qu'il passe à l'acte", lâche aujourd'hui Pierre, 80 ans, le père de Cécile. "Il la maltraitait, la menaçait, proférait des horreurs mais je ne le savais pas capable de tuer ma fille". Le couple s'était formé dans les années 2000. Elève ingénieure dans une école de paysage, Cécile, "belle", "pétillante" et "solaire" fait la connaissance de Dominique lors d'un stage. Il est divorcé et père de deux enfants.

Quelques années plus tard, ils se marient et fondent ensemble Verte Entreprise, qui gère les espaces verts de collectivités et de professionnels en Ile-de-France. "Dès le début, nous n'étions pas favorables à cette union, nous avions déjà entendu des rumeurs sur les violences de Dominique", se souviennent les parents de Cécile, qui n'ont pas vu leur fille pendant un an au début de la relation.

Certains proches parlent d'une "erreur de casting". D'autres "d'un mariage mixte". Cécile, issue "d'un milieu bourgeois", et Dominique, de 14 ans son aîné, vient lui d'un milieu plus populaire. Après des années "heureuses" et remplies de projets comme l'achat d'un restaurant, la situation s'est "dégradée" à partir de 2016, se souviennent-ils. 

Sur fond d'alcool, les violences physiques et surtout verbales exercées par Dominique sur Cécile sont de plus en plus fréquentes. "Il avait une pathologie, une démence avec des accès de violences. Parfois il se refermait, ne parlait pas pendant quinze jours et se mettait ensuite à hurler sur les employés, sur sa famille", se souvient le père, en affirmant que la seule solution était alors "de l'isoler de lui-même".

Des sanctions insuffisantes

Cécile fini par quitter Dominique pour aller se réfugier chez ses parents. Un déclic survenu après que son mari l'avait violemment jetée par terre. C'était en novembre 2018, et le début d'une longue liste de plaintes déposées à la gendarmerie. Un processus de séparation est engagé par ailleurs. "Violences, harcèlement, détournement de fonds, les enfants non rendus... Ma cliente a déposé plus d'une vingtaine de plaintes contre son ex-mari", détaille l'une des avocates de Cécile, Me Sonia El Midouli.

"Les gendarmes nous riaient au nez, on n'a jamais été pris au sérieux", ajoute, en colère, Pierre. Pourtant, Dominique a déjà été condamné à deux reprises. En 2019, il écope même de douze mois de prison avec sursis pour violences. Puis en septembre 2020, à trois mois fermes avec révocation partielle du sursis pour avoir craché sur son ex-épouse et ses employés en avril. Mais en vertu d'un aménagement de peine, Dominique n'est pas incarcéré.

"Pendant deux ans, j'ai accompagné ma fille sur son lieu de travail car elle ne se sentait pas en sécurité", explique Pierre. En 2019, Cécile fait une demande de protection pourtant refusée par le juge des affaires familiales, qui estime qu'elle n'était pas en danger dans l'entreprise. Ces derniers mois, cette fervente catholique et très impliquée dans la paroisse de Domont, "pensait s'en être sortie". Elle "avait baissé la garde", focalisée sur l'entreprise qu'elle "tenait à bout de bras", regrette son père.

Dominique, lui, était de plus en plus isolé, "dépossédé de tout", plaide son avocate Me Maryam Hajji. "Rejeté" par ses employés, son ex-femme et ses trois filles. Elle veut voir dans la mort de Cécile et celle de son client le "geste de désespoir d'un homme acculé".

À l'heure où les associations féministes pressent le gouvernement de renforcer encore l'arsenal contre les violences faites aux femmes, le père de Cécile n'en démord pas. "Le système judiciaire a fait au mieux mais a tout sous-évalué et a failli. Les gendarmes savaient par exemple que Dominique avait un fusil", dit-il. "On a laissé un homme dangereux en liberté".

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