Sciences Po impose-t-elle vraiment l'écriture inclusive à ses élèves ?
FACT CHECKING - Une députée affirme que la prestigieuse école sanctionne les copies qui n'utilisent pas l'écriture inclusive. Mais qu'en est-il vraiment ?

Voilà un sujet piquant qui revient dans l'actualité : l’écriture inclusive. La tête à réfléchir au coronavirus et à nos gestes barrières, le sujet est légèrement passé au second plan. Et pourtant, jeudi dernier, sur la radio RMC, une députée a remis une pièce dans le flipper à polémiques.
Annie Genevard, députée Les Républicains du Doubs et vice-présidente de l'Assemblée nationale est invitée au titre de signataire d’une proposition de loi visant à "interdire l’écriture inclusive dans les documents administratifs pour les organismes et personnes morales chargées d’une mission de service public".
L’élue défend une attaque en règle de la langue française, qu’aucun texte ne protège ce trésor... Le journaliste essaye de la couper, elle continue, veut absolument montrer que son combat est juste et va utiliser un argument qui devrait convaincre tout le monde : "C'est l'usage qui détermine les changements, pas la volonté militante ! Songez qu'aujourd'hui à Sciences Po, une copie qui n'est pas rendue en langue inclusive est pénalisée, c'est insupportable !".
Démentis à Sciences Po
Nouvelle tempête en vue pour Science Po ? La prestigieuse école enchaîne les affaires actuellement, et en voilà une nouvelle. Cette affirmation est étonnante car rares étaient ceux à se souvenir que Science Po était si en pointe sur l’écriture inclusive.
Et c’est normal, parce que c’est faux. Contacté par l’AFP, le responsable de l’UNEF Sciences Po explique : "À aucun moment depuis deux ans (qu’il est élu,ndlr) il n’a été question de sanctionner des étudiants qui n'utiliseraient pas l’écriture inclusive". Et pourtant la polémique est lancée, elle continue sur les réseaux sociaux.
Annie Genevard a repris les propos de François Jolivet, député LaREM de l’Indre, à l’origine de cette proposition de loi. Quelques heures plus tôt sur la chaine Cnews, il affirmait : "Quand vous avez des écoles très célèbres qui forment les futurs dirigeants de l’État français qui exigent l’écriture inclusive dans des copies, Sciences Po pour ne pas citer (...), je ne comprends pas".
Un document de 2017 pour preuve ?
D’où l’élu tire-t-il cette affirmation ? Son cabinet explique à LCI que ce sont différents témoignages qui l’ont poussé à faire cette affirmation, témoignages dont nulles traces n’apparaissent. Sur Twitter, enseignants et élèves de Science Po s’étonnent des propos des députés et dénoncent une fausse information, mais la chose ne va pas s’arrêter là.
Les deux députés persistent et diffusent un document pour prouver que l'écriture inclusive est utilisée à Sciences Po... Un communiqué de presse publié en 2017 pour affirmer l’égalité homme-femme au sein des différents établissements de l'école. À la fin, figure cette recommandation : "La mise en œuvre d’une charte pour une communication non-sexiste et d’un guide pour une écriture inclusive destiné au personnel administratif".
Il s’agit, selon une porte-parole, de recommandations d'utilisation au cas où un salarié décidait d'utiliser l'écriture inclusive. Le 21 novembre 2017, l’ex-premier ministre Edouard Philippe, "invitait" dans une circulaire ses ministres à ne pas utiliser l’écriture inclusive. L’invitation à ne pas relancer les polémiques n'a pas été entendue.