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Salles de shoot : pourquoi l'association Médecins du monde attaque l’État français

Médecins du monde poursuit l'État pour son manque de soutien aux "haltes soins addictions" ou "salles de shoot", cruciales pour la réduction des risques liés à la drogue.

La première salle de shoot française, qui a ouvert ses portes fin 2016 à Paris.

Crédit : Henri Garat/SIPA

Axel Juin & AFP

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L'ONG Médecins du monde, soutenue par d'autres associations, a annoncé le 14 avril attaquer l'État pour son "inaction", voire son "obstruction", relative aux "haltes soins addictions". Ces dispositifs, plus communément appelées "salles de shoot", semblent avoir un avenir incertain.

Créées en 2016, les deux "salles de consommation à moindre risque", aujourd'hui nommées "haltes soins addictions" (HSA) existant en France, à Paris et Strasbourg, s'adressent aux personnes les plus démunies et exclues du système de soins. Leur expérimentation doit, en principe, s'achever fin 2025

Préoccupée par le sort de ce dispositif, Médecins du monde a décidé d'attaquer l'État français "pour inaction avec le lancement de deux recours en contentieux", déclare Céline Debaulieu, sa référente sur la réduction des risques, face aux médias. 

Une absence de réponse du ministère de la Santé

"À visée nationale et cosignée par la Fédération Addictions", "le premier porte sur la pérennisation des haltes soins addictions" et le second, "cosigné par AIDES, concerne Marseille, où il y a eu impossibilité en janvier 2024 d'aller au bout d'un projet de halte soins addictions", a-t-elle détaillé. 

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Pour les requérants, "l'inaction" des pouvoirs publics, "voire leur obstruction, face à la création de haltes soins addictions cause des préjudices et relève de la faute", aux dépens de la santé des usagers et usagères de drogues. 

Après des "courriers amiables" au ministère de la Santé restés sans réponse dans le délai imparti, le premier recours, "en carence", est "historique" sur ce sujet de santé publique, a affirmé Me Vincent Brengarth.  

"Le ministère de la Santé va devoir se justifier de sa politique" et l'espoir est ensuite d'obtenir "une décision du tribunal administratif" d'ici à "12 à 18 mois", a précisé l'avocat, selon lequel le jugement national, à la "dimension symbolique importante", pourrait faire "injonction de mesures précises"

Le second recours vise à obtenir "l'annulation du refus, implicite, de ne pas ouvrir de HSA à Marseille", après "une obstruction politique", a-t-il dit. Le juge pourrait "faire injonction au ministère d'ouvrir une HSA s'il estime un manquement caractérisé et, a minima, de réexaminer la demande". 

Des rapports appuyant l'efficacité des dispositifs "haltes soins addictions"

Pour les associations à l'origine de la procédure, les haltes soins addictions ont "prouvé leur efficacité" : elles "offrent des services de soins, de suivi social, d'hébergement, et réduisent les risques liés à la consommation". 

Elles font valoir que "divers rapports, y compris ceux demandés par le gouvernement", le dernier datant de l'automne 2024, "soulignent la nécessité d'intégrer ce dispositif dans le droit commun". Au regard du Code de la santé publique, ces haltes sont "l'un des dispositifs assurant le continuum de soins", a noté Catherine Delorme, présidente de la Fédération Addictions. 

Elles "réduisent les risques directement liés aux consommations mais aussi les conséquences médico-sociales de cette addiction sévère en situation de grande précarité", a exposé le Dr Elisabeth Avril, directrice de l'association Gaïa, gestionnaire de la salle parisienne, évoquant aussi "une amélioration de la tranquillité publique". 

Car "la sécurisation de l'espace public" fait également partie des préoccupations des professionnels de santé défendant ces lieux, a assuré Mme Delorme.  Certes, tout "n'est pas parfait, c'est en amélioration permanente, mais les habitants ne se retrouvent pas seuls" grâce à "une équipe identifiée et en permanence dans le quartier", a noté Eric Derosier, membre de l'association de riverains Action Barbès. 

Un manque de réponse vu comme une "décision politique"

A Marseille, bien que validé par différents acteurs sanitaires, dont l'Agence régionale de santé (ARS) et l'AP-HM, le projet de halte soins addictions a fait les frais d'une "décision politique, prise au détriment des enjeux de santé", selon les requérants. 

En février 2024, la Marseillaise Sabrina Agresti-Roubache, alors secrétaire d'Etat chargée de la Ville, s'était félicitée d'avoir "réussi à stopper l'installation d'une salle de shoot à Marseille", a rappelé Mme Debaulieu. 

Selon l'Inserm, en 2021, l'accompagnement proposé par les salles de shoot avait permis d'éviter 43 décès, 69% des surdoses, ainsi que nombre d'infections au VIH et à l'hépatite C. Il existe environ 80 haltes soins addictions en Europe, dont 24 en Allemagne. Chez nos voisins, a affirmé le docteur Avril, "ce n'est plus un débat, c'est un outil".  

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