C’est François Fillon lui-même qui nourrit cette comparaison, en se revendiquant de l’héritage thatchérien. Margaret Thatcher est une députée conservatrice élue premier ministre en mai 1979, alors que l'Angleterre est essorée par une forte inflation (25% par an), une croissance anémique, une situation financière qui déclenche l’intervention du FMI, des pénuries d’électricité et les grèves incessantes. Après des années de travaillisme - politique de gauche -, le pays est sur les genoux. Et celle que les Soviétiques appelleront plus tard la "Dame de fer" gagne avec un slogan tout simple : "Labour doesn’t work" ("Le socialisme, ça ne marche pas", en français).
Quelle a été sa politique économique ? Baisse d’impôts sur le revenu massive, mais augmentation de la TVA, diminution des prélèvements pour les entreprises, privatisations, déréglementations, lutte contre les syndicats et réforme du droit de grève, suppression des subventions aux secteurs en difficulté, diminution des aides sociales, taux d’intérêt élevés pour juguler l’inflation. C’est une cure sévère, qui transforme profondément le pays qui avait inventé l’état-providence au sortir de la Seconde Guerre mondiale.
Comme toujours, cette politique de rigueur a des effets de court terme très difficiles. Le pays s’enfonce dans la récession, et cela d’autant plus que le cycle mondial se retourne. Le nombre de chômeurs explose au début des années 1980, et le mécontentement est alors très vif. Thatcher défend alors sa politique avec cette phrase restée fameuse : "There is no alternative".
Elle est pourtant réélue en 1983, mais grâce à un événement qui n’a rien d'économique : la guerre des Malouines. L’Argentine envahit ce petit territoire de l’hémisphère sud, britannique, au mépris des lois internationales. Et Thatcher réplique en envoyant les troupes. S’ensuit une guerre que l’Angleterre va rapidement gagner. Thatcher reprend alors l’avantage. Et c’est à ce moment-là que la croissance mondiale repart, permettant au pays de profiter des réformes qu’il avait faites.
Thatcher en profite pour littéralement casser les syndicats, en se montrant inflexible lors d’une grève des mineurs, en 1984-1985. Les mineurs seront contraints de reprendre le travail sans avoir rien obtenu, après l’un des conflits les plus longs de l’histoire. Thatcher gagne une nouvelle fois les élections en 1987.
Lorsqu'elle quitte le pouvoir, en 1990, le pays est incontestablement en meilleur état que lorsqu'elle est nommée. Le revenu par tête a augmenté - il a même dépassé celui de la France -, pour partie grâce à l’augmentation de la livre sterling. La City est devenue un centre financier mondial de premier plan. En réalité, le niveau de vie des classes moyennes et supérieures a progressé, mais les inégalités aussi, parallèlement. C’est dans les années 1980, que réapparaissent les "working poors", c’est-à-dire les travailleurs pauvres.
Elle quitte le pouvoir sur une question fiscale. Elle met en place ce qu’on appelait la "poll tax", un impôt par tête, indépendamment du revenu, qui déclenche une tempête politique. Au point que son propre parti se débarrasse d'elle pour aller aux élections, lui préférant John Major, qui supprimera la "poll tax", mais poursuivra largement sa politique. Elle est aujourd'hui considérée par les Britannique comme l’un des plus grands premiers ministres du pays au XXème siècle. Bien sûr après Churchill.
Commentaires