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Polluant éternels dans l’eau potable : une usine chimique du Gard au cœur des suspicions

Alors que l'usine Solvay de Salindres va mettre la clé sous la porte au printemps 2025, ses salariés réclament un bilan médical complet. Est-ce que leur exposition au TFA, un polluant éternel retrouvé à haute dose dans les cours d'eau environnants, peut avoir des conséquences sur leur santé ? Un projet de loi visant à protéger la population face aux "PFAS" est examiné ce jeudi 20 février à l'Assemblée nationale.

Des bénévoles de l'association "Générations Futures" prélèvent des échantillons d'eau des rejets de l'usine Solvay, à Salindres, le 18 avril 2024.
Crédit : PASCAL GUYOT / AFP
Hugo Amelin
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Les dernières fumées qui s’échappent des longues cheminées rouillées de l’usine Solvay de Salindres vont s’évaporer dans les prochains mois. Pas la colère ni l’inquiétude des 69 salariés promis au licenciement, chargés de produire à grande échelle du TFA (acide trifluoroacétique), un produit utilisé dans l’industrie pharmaceutique et les pesticides.

Avant de dépolluer le site en guise de "cadeau d’adieu", ils réclament depuis plus de six mois un bilan de santé complet afin de savoir si leur exposition à ce polluant éternel a eu une incidence sur leur santé. Doudoune sur le dos, Nicolas*, délégué CGT de l’entreprise, reçoit sur le parking visiteurs, face au bâtiment principal en tôle vert pâle.

"Nous, on ne veut pas polluer, on veut produire, mais en restant en bonne santé. Lorsque le scandale du TFA a éclaté l’année dernière, nous avons demandé des analyses pour les opérateurs. Des biomonitoring, c’est-à-dire des analyses d’urines, sanguines, pour savoir s’il y a un danger pour nous ou notre entourage proche", explique le trentenaire. Un projet qui ne ravie pas la direction du site, arguant qu’aucun laboratoire n’est capable de produire une telle étude.

"Nous avons alors fait appel à un cabinet d’expertise indépendant et leur rapport est clair : Solvay n’est pas dans les clous en ce qui concerne ce produit, le TFA. Les opérateurs sont trop exposés. Les rejets exposent la nature. Ici, les salariés perdent leur emploi et maintenant on leur dit qu’il n’y aura pas de suivi pour leur santé ? La direction a peur que dans 5 ou 10 ans, on leur annonce des maladies graves. Et Solvay sera où à ce moment-là ? Ils nous auront fermé, alors comment on fera ?, s’étrangle le représentant du personnel.

Un polluant éternel sans normes d'encadrement

Toute la problématique, c’est que le TFA est bien classé polluant éternel, mais les autorités sanitaires françaises ignorent encore son degré de dangerosité. Est-ce que cette molécule est cumulable dans le corps humain ? Est-ce qu’elle peut avoir une incidence sur la grossesse, sur les risques de cancer comme le disent certains pays européens ? L’Agence régionale de santé Occitanie vient tout juste de lancer une série de prélèvements au mois de janvier, dans les cours d’eau et les nappes phréatiques du secteur.

C’est l’association de défense de l’environnement "Générations Futures" qui a mis un coup de pied dans la cheminée industrielle au printemps dernier, réalisant à ses frais des analyses des rivières (l’Aris, l’Avène et le Gardon) et même de l’eau potable aux robinets de deux communes situées en aval de l’usine. Sans surprise, une très forte concentration de cet acide a été retrouvé dans les carafes de Moussac et de Boucoiran. "Dans les pays nordiques et en Allemagne, le TFA est accusé d’être reprotoxique, c’est-à-dire dangereux pour les fœtus en gestation", avance Michel Tachon, le représentant de "Générations Futures" dans le Gard. 

"Ici, on a trouvé des valeurs de 20 microgrammes par litre d’eau. Si on se réfère à la valeur métabolique des pesticides, on est sur un seuil 200 fois supérieur", abonde le militant. Mais l’eau reste légalement potable, car il n’existe pas de normes de rejets concernant le TFA, dont la dangerosité pour l’Homme n’a pas encore été prouvée. "Il y a dix ans, à l’époque où il y avait encore moins de réglementation, des dizaines de kilos de TFA étaient balancés chaque jour dans la nature", avance un ouvrier. Après 40 ans de production, la fermeture du site industriel a été annoncée en septembre dernier, quelques mois après une première enquête du journal Le Monde.

"Gard eau PFAS" regrette le "silence" des élus locaux

"Nous respectons les obligations de visites médicales régulières pour nos salariés", affirme une porte-parole de l’entreprise Solvay depuis le siège social de Bruxelles, pour qui "la santé des collaborateurs est au cœur des préoccupations". De son côté, l’Agence Régionale de Santé Occitanie reste muette comme une carpe du Gardon et se cantonne à ses prélèvements récents dont les résultats ne sont pas attendus avant 2026. Jusqu’ici, le TFA n’avait jamais été pris en compte. Pour Christophe Rivenq, Président de la communauté de communes d’Alès, Salindres est carrément "victime d’une campagne de dénigrement insupportable. L’eau de Salindres est totalement conforme aux normes en vigueur".

Dans son petit local d’élus de l’opposition Alésienne, Béatrice Ladrange tente d’obtenir des réponses concrètes avec son collectif "Gard eau PFAS". Ingénieure à la retraite, cette sexagénaire à l’œil vif dit faire face au "silence" des élus locaux. "Maintenant que l’État s’attaque aux polluants éternels, que les scientifiques publient des rapports, ils ne peuvent plus garder cette position. Mais aucune réunion publique n’a été organisée et les habitants le regrettent. On est un peu dans le même 'bazar' que pour le scandale de l’amiante où on a découvert l’immense silence dans lequel nous avions été plongés alors que des personnes savaient depuis des années que c’était un produit dangereux et qu’il fallait agir", conclue cette élue divers gauche.

À Salindres, l’usine chimique fermera dans quelques mois, mais la pollution restera encore de longues années. Et le projet de loi « visant à protéger les populations contre les risques liés aux polluants éternels » aura la lourde tâche de trancher entre certains enjeux industriels et ceux de santé publique.

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