D'épaisses traces noires recouvrent encore la façade du Crédit mutuel et rappellent la violence de l'incendie qui a ravagé cette banque. Des palissades de bois clair remplacent toujours les vitrines de plusieurs commerces. Georges tient la pizzeria Palma d'Oro dans le quartier de la préfecture à Nanterre. Les émeutiers sont montés sur le toit son restaurant pour lancer des projectiles sur la police.
Résultats : 5.000 euros de réparation et un chiffre d’affaires en berne. "Ma fréquentation a baissé de 15% minimum, ça fait mal et j'ai peur que ça recommence", se désole le pizzaiolo qui n'a pour l'instant rien touché de la part de son assureur.
"Je suis en colère. Mais contre qui, contre quoi ? Le système dans son ensemble. Je n'ai pas l'impression que quelqu'un a la solution pour mettre fin à toutes ces violences et sortir ces jeunes de la misère", poursuit Georges tout en allumant l'imposant four à bois situé derrière le bar.
J'en veux à mort à la police
Naïm, 20 ans, jeune de Nanterre.
Dans la cité voisine du Vieux Pont, où Nahel a grandi, des artistes locaux ont peint une fresque à l'effigie du jeune Nanterrien. Les joues rondes de l'adolescent recouvrent le mur d'un vieux terrain de tennis. Au-delà des grillages, on distingue un centre de loisirs aux vitres explosées. L'établissement incendié lors des nuits de violence est toujours fermé.
"Nous on comprend cette colère. Il fallait faire bouger les choses en brûlant des poubelles. Mais les trucs du quartier comme les épiceries ou le centre de loisirs, ça ne servait à rien de s'y attaquer parce que ça nous retombe dessus", raconte Erwan 19 ans. Avec son ami Naïm ils encadrent un groupe d'enfants sur un petit terrain de foot.
"Du coup pendant les vacances on ne peut plus recevoir les petits dans la grande salle", expliquent les deux animateurs. Quatre mois après les émeutes, la colère n'est toujours pas retombée. "Le petit Nahel, je le voyais au quartier. Il ne méritait pas de se prendre une balle dans la tête. Moi j'en veux à mort à la police. Ils font encore des trucs qui me déplaisent. Hier on s'est fait contrôler pour rien, ça nous a saoulé", s'énerve Naïm.
"S'il y a encore une bavure comme ça, ça va repartir direct. Mais cette fois-ci ça sera encore plus violent".
La maman de Nahel vit à Pablo Picasso, l'autre cité emblématique de Nanterre. Les grandes tours bleus et leurs fenêtres hublots sont encore taguées à la bombe noire. "Justice pour Nahel" rappellent la violence des émeutes. Les camions de CRS ont laissé la place à quelques patrouilles. Mais pour le reste, rien n'a changé.
La police reste impuissante face au trafic de drogue. Un jeune se fait contrôler devant moi avant d'être relâché. Quelques minutes plus tard, l'adolescent assure une transaction, une barrette de shit contre un billet. L'insécurité, l'abandon, ces sentiments sont toujours ancrés. "Ils ont brûlé toutes les bagnoles ici", raconte cette grand-mère qui revient du marché.
"J'ai discuté avec des jeunes, ils cautionnaient. L'éducation joue un rôle. Les parents sont débordés. La maman de ce fameux Nahel, elle était débordée par le gamin". 60% des émeutiers présentés à la justice sont issus de familles monoparentales. "Je travaille beaucoup avec des femmes divorcées, seules. Elle sont volontaires pour aider leurs enfants mais parfois c'est pas toujours facile", analyse Fatiha Abdouni présidente de l'association Les mamans de Pablo.
"Des mères m'appellent le soir pour me dire que leur fils de 13 ans ne veut pas rentrer à la maison. Et ces mamans ont souvent des boulots sans diplômes, elles font des heures de ménage tôt le matin ou tard le soir". Fatiha Abdouni en est persuadée, aider ses mamans à "trouver des formations diplomantes", permettre à leurs enfants "d'accéder à du soutien scolaire" règlerait une partie du problème. Dans ce quartier, une famille sur deux est monoparentale.
Les acteurs de terrain œuvrent au quotidien pour aider les jeunes à sortir de la misère des quartiers. Mais tous déplorent le manque de moyens. "Nous avons un certain nombre de collégiens fragiles qui ne sont pas réinscrits, ils pourraient tomber dans le deal", déplore Martine Fourier, la présidente l'association Cerise qui accompagne plus d'une centaine de jeunes nanterriens.
"On a besoin d'une politique jeunesse locale plus efficace, où on pourrait mieux accompagner les jeunes fragiles. ça permettrait de les accrocher sur des choses qui peuvent les passionner. Par exemple on organise un voyage à Berlin, mais on a eu énormément de mal à obtenir les financements", raconte la présidente de l'association, personnage historique à Nanterre.
Face à l'inflation, la pauvreté, le chômage, la drogue, tous ces maux qui gangrènent les quartiers "on appelle au secours parce que c'est tellement désespérant", se désole Martine Fourier. Autant de facteurs qui "font des colères dont on ne sait pas ce qu'elles deviendront". Des colères prêtes à s'exprimer à nouveau, dès la moindre étincelle.
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