Les vidéos s'enchaînent et se ressemblent tristement. Des animaux maltraités dans des abattoirs, un entretien des locaux qui laisse à désirer et des produits qui peuvent devenir impropres à la consommation. C'est ce que l'on voit dans les images dévoilées par l'association L214. Objectif : dénoncer les conditions d'élevage de poules pondeuses. Elles y apparaissent déplumées, vivant dans un environnement envahie par les poux, les asticots. Le sol est jonché de cadavres de volaille en état de décomposition.
La marque d’œufs Matines a annoncé qu'elle ne s'approvisionnera plus au sein de l'élevage. Des mesures de "retrait en magasin des œufs déjà commercialisés" vont également être prises, a ajouté la marque, sans être en mesure de détailler le nombre et l'emplacement des supermarchés concernés. Le gouvernement a aussi réagi face à la polémique. Le ministre de l'Agriculture, Stéphane Le Foll a estimé que "s'il le faut, je fermerai cet élevage", sur France Info. Quant à Ségolène Royal, elle a réclamé une inspection et une décision "dans la journée" au préfet de l'Ain.
L'association est connue pour sa communication coup de
poing. Contactée par RTL.fr, Brigitte Gothière, cofondatrice de l'organisation,
explique qu'elle existe depuis 2003, sous le nom de Stop Gavage. L'objectif est
de sensibiliser contre le gavage des animaux en dévoilant des photos choc. L214 voit le jour en 2008. Le nom fait référence à l'article L214-1 du Code rural. "Il s'agit du premier texte de loi qui désigne les animaux en tant
qu'êtres sensibles", explique la cofondatrice.
Brigitte Gothière explique que l'association bénéficie d'un réseau de lanceurs d'alerte composé de personnes issues de tous horizons. "Cela peut aller de l'électricien qui vient changer une ampoule dans un abattoir et qui voit des choses inadmissibles au vétérinaire qui y travaille", raconte-t-elle. À cela s'ajoute de longues enquêtes menées par les militants au cœur de L214. Selon un reportage de Francetvinfo, un agent secret opère pour l'association. Choqué par ce qu'il a vu dans les abattoirs, il a décidé de dénoncer les pratiques abusives.
"En 2008, nous avons réussi à nous infiltrer dans un abattoir Charal et nous avons montré la violence avec laquelle les animaux y étaient abattus", se souvient Brigitte Gothière. La marque explique que ces images sont "totalement mensongères" et dénonce une manipulation. "Le film est en fait une juxtaposition de plans vidéo, accompagnée de messages erronés dont le seul objectif est de choquer l’opinion publique (...) Les abattoirs Charal respectent la réglementation en vigueur, mais vont même au-delà en pratiquant systématiquement l’étourdissement des animaux, de sorte qu’ils sont inconscients et ne souffrent pas. L214 a été déboutée de sa plainte", ajoute la marque.
Plus récemment, en 2013, la pression exercée par l'association sur la lutte contre le gavage des animaux a convaincu de grands chefs comme Joël Robuchon et Alain Ducasse de changer de fournisseur de foie gras. En octobre dernier, un scandale similaire avait éclaté avec la fermeture administrative de l'abattoir d'Alès dans le Gard. Vidéos une nouvelle fois diffusées par L214.
À travers ces actions, L214 souhaite "montrer la réalité de façon honnête, celle que l'on ne voit pas tous les jours", insiste la cofondatrice. Elle espère ainsi sensibiliser le grand public et "créer un lien entre l'animal et le morceau de viande inerte que l'on mange". Mais l'objectif de l'association se joue à plus long terme. "Nous souhaitons lancer un débat public sur la légitimité de manger des animaux, ainsi que la création d'une commission d'enquête, poussée où tous les acteurs sont interrogés, sur la filière viande", indique-t-elle.
Samuel Airaud, bénévole depuis 2008, explique que "de plus en plus de personnes sont conscientes des mauvais traitements infligés aux animaux". Et s'il a choisi de rejoindre les rangs de L214, c'est parce que "cette association considère les animaux en tant que des êtres sensibles et des individus. Il y a une bonne dynamique avec de nombreuses actions menées", explique-t-il pour RTL.fr. Sur son site, l'association précise qu'elle "agit par des actions ciblées, dans les médias et sur le terrain pour changer la condition des animaux élevés et abattus pour la consommation".
D'après lui, diffuser ce type de vidéos est nécessaire : "Il faut montrer la réalité et lever le voile sur le mensonge. De plus en plus d'élus se mobilisent pour la cause animale". L'association demande la création d'une véritable commission d'enquête afin de lutter contre les "violences systémiques", conclut-il. Et pas de doute, les membres de l'association ne sont pas prêts de s'arrêter. "L'intérêt général et le droit à l'information priment", conclut Brigitte Gothière.
L'association L214 a diffusé de nombreuses images notamment celles de l'abattoir intercommunal du Pays de Soule, à Mauléon-Licharre dans les Pyrénées Atlantiques. On y voit les mauvais traitements infligés à des animaux dans un abattoir certifié bio et Label rouge. Stéphane Le Foll a ordonné des inspections dans tous les abattoirs d'ici un mois. "En cas de défaut avéré constaté à l'occasion de ces inspections", le ministre de l'Agriculture demande "la suspension sans délai de l'agrément de ces établissements", précise le ministère dans un communiqué. De son côté, le maire a ordonné la fermeture de l'abattoir.
En février dernier, une autre vidéo concernant l'abattoir du Vigan, dans le Gard, a été diffusée par l'association L214. Les animaux y sont maltraités, violemment jetés contre des barrières. Ils subissent de nombreux coups de la part des employés. Cette vidéo qui dure un peu plus de quatre minutes, a provoqué l'indignation de l'opinion publique. L'abattoir a été fermé "à titre conservatoire" et le personnel suspendu "jusqu'à nouvel ordre", comme l'a précisé Roland Canayer, gérant de l'abattoir du Vigan.
Une enquête administrative avait été ouverte en interne, ainsi qu'une enquête préliminaire après la plainte déposée par l'association L214. Cette dernière dénonce des "faits de sévices graves", des "mauvais traitements sur animaux" et la "violation de la réglementation relative à l'abattage". Le ministre de l'Agriculture, Stéphane Le Foll, a dénoncé des "actes de maltraitance qui seront sanctionnés comme il se doit".