Mercredi 1er novembre, la bourse de Paris a dépassé les 5.500 points : du jamais vu depuis le plongeon de janvier 2008. "Sky is the limite", disent les traders… Et il est vrai que le ciel est dégagé en ce moment, même si les Loups de Wall Street et du CAC 40 - des superstitieux refoulés - se sont un peu épongés le front, ce 1er novembre, en constatant qu’on était enfin passé en novembre. Car les mois d’octobre ont été les pires mois de l’histoire boursière.
Octobre noir en 1929… En Octobre 1987, Wall Street dévisse de 23% en une journée à cause d’une remontée des taux de la FED (tiens, tiens... Comme en ce moment...). Octobre 2008, quelques jours après la faillite de Lhemann Brothers, les marchés financiers s’enfoncent dans la crise des subprimes… Donc octobre fait peur, surtout quand tout semble calme. Or, à la bourse, vous avez un indice qui s’appelle le VIX et qui mesure la volatilité des marché - l’agitation, les ventes et les achats. Or cet indice est incroyablement bas, très calme, depuis juin.
Pour l’instant, certes, il n’y a pas de nuages dans le ciel. La croissance mondiale est homogène, aux États-Unis comme en Europe, la Chine a une perspective politique claire pour les 5 ans qui viennent. Mardi 31 octobre, on parlait ensemble de la croissance la plus forte depuis 2011 en France avec une perspective de 1,8% au moins cette année. Les banques centrales continuent à proposer de l’argent pas cher aux banques pour qu’elles financent l’économie. Les résultats des entreprises sont historiques : un tiers des sociétés du CAC 40 sont à leur plus haut niveau de cotation à la bourse depuis dix ans.
Il y a pourtant des motifs d’inquiétude. C'est ce que j’appellerais le "Halloween Financier" : on joue à se faire peur. C’est assez récent à la bourse, où l(on gérait jusqu’ici le court terme - l’euphorie un jour et la dépression le lendemain. Désormais, et c’est l'un des enseignements de la crise des Subprimes, on se méfie de l’euphorie. Car ceux qui dirigent les équipes de traders aujourd’hui sont ceux qui ont subi la débâcle de 2008. Qui plus est, depuis 10 ans, les ordinateurs intelligents analysent et évaluent les risques pour éviter des stratégies trop folles.
Les stress-test qui sont réalisés régulièrement par les banques contribuent également à calmer cette euphorie. Le principe est simple : on imagine un scénario catastrophe et on voit si l’entreprise est capable d’y survivre. On oblige les banques à avoir un matelas d’argents (des fonds propres suffisants) quand elle prend une décision risquée. Enfin, il y a une surveillance des différents États européens notamment pour éviter de basculer dans la crise que l’on a connue.
En 2007, les traders pensaient que la bourse était un monde à part, étanche, qui n’avait pas d’impact sur la vie réelle des gens. On faisait de l’argent et on avait un mot pour ça, dans les salles de marché : on "spielait", c’est-à-dire "on jouait" en allemand. Aujourd’hui, on sait que si les jeux sont mal faits, rien ne va plus.
La question est de savoir si l'on est capable d’anticiper un Krach, de prévoir un scénario catastrophe. Aujourd’hui, je peux vous dire que les grandes banques françaises travaillent sur deux scénarios catastrophes qui les inquiètent pour les prochains mois. Le premier : un Brexit dur qui sortirait vraiment la finance britannique du jeu. Impossible d’imaginer (sauf à croire à la théorie du nuage de Tchernobyl) qu’une fragilisation de la première place financière d’Europe n’aura aucune conséquence sur les frontières de la zone Euro.
Deuxième scénario de crise : Donald Trump. Qui va-t-il choisir aujourd’hui pour diriger la Banque Centrale Américaine ? En gros, qui sera le vrai Ministre de l’Économie américain ? Trump va-t-il réussir à imposer son programme d’investissements et de baisses d’impôts pour les entreprises qu’il a promis ? C’est en discussion actuellement et le président américain n’est pas certain de l’emporter, ce qui provoquerait une correction sévère de la bourse américaine.
Ces motifs d’inquiétude sont assez faciles à envisager. Ce sont les seuls risques que nous ayons face à nous. Moi, j’en vois deux autres qui ne sont pas tellement anticipés dans les scénarios budgétaires, les trajectoires budgétaires de l’État dans les prochains mois. D’ici moins de 18 mois, on devrait voir les taux d’intérêt de la Banque Centrale Européenne remonter. C’est elle qui prête l’argent aux États endettés. Cela veut dire que le remboursement de notre dette va nous coûter plus cher. Et cela peut lourdement impacter les finances de la France. On rembourse chaque année 40 milliards d’intérêts, c’est le budget du Logement en France.
L’autre motif d’inquiétude, c’est la bulle spéculative de la crypto-monnaie, ce que l’on appelle les monnaies virtuelles comme les bitcoins. De plus en plus de startups et de sociétés lèvent des fonds en échange de cette monnaie virtuelle. Les actionnaires donnent de l’argent et ont des jetons en bitcoins en échange. C’est complexe mais c’est une sorte de bourse parallèle, beaucoup moins réglementée. On y joue des milliards dans l’espoir que la start-up devienne un jour Facebook ou Microsoft ou dans l’espoir que la valeur des BitCoins s’envole. Ce qui est le cas : la valeur d’une de ces monnaies virtuelles a progressé de 2.400% par rapport au dollar, l’an dernier.
Du délire, sans règle. Cela rappelle la bulle internet des années 2000. Terreau parfait pour un krach qui se traduirait par la faillite de vraies sociétés et des pertes colossales pour certains investisseurs. "Treets or tricks" - "des bonbons ou des coups de bâtons", dit-on à Halloween… Et bien je vous dirais qu’on est, en ce moment, entre Wall Treets et Wall Tricks.