Une barbe de plus en plus longue, une alimentation ascétique, la viande retirée du menu et un jour, un mot, laissé sur son lit. Pierre, jeune étudiant vosgien à la faculté de Besançon, s'est converti en 2011 à l'Islam, en secret, sans que ses parents ne se rendent compte de sa radicalisation.
"On n'en a jamais vraiment trop parlé", dit Gérard, son père, interrogé par RTL. "On pensait que c'était lié à l'âge, une crise d'adolescence qui allait passer." L'homme évoque la dernière fois qu'il a vu son fils, étudiant en sport, à l'occasion d'une course de vélo. "Par message, tard le soir, je lui ai dit que je l'aimais. Et j'ai rêvé qu'il me demandait de l'aide", se remémore Marie-Agnès. Suivront trois jours sans nouvelles, remplis de messages inquiets à son fils : "Qu'est-ce que t'as ma petite chochotte".
Elle raconte ensuite comment, un jour, souhaitant voir son fils, elle n'a trouvé qu'un mot laissé sur son lit, indiquant que Pierre avait quitté le pays, parti "aider les petits syriens" en octobre 2013.
Une décision aussi soudaine que surprenante, pour son père. "Je ne pensais même pas qu'il était capable de faire ça : il était timide et n'allait même pas aux voyages scolaires", se souvient-il. "On est tombé des nues."
"À l'époque, on ne savait pas encore ce qui se passait en Syrie", explique Marie-Agnès, qui relate aussi les rares contacts qu'elle a eu avec son fils. Un mail, d'abord, où Pierre affirme que tout va bien, que ses parents ne doivent "pas s'inquiéter". Un coup de téléphone ensuite, où sa mère l'implore de revenir.
"Il a toujours parlé d'humanitaire, jamais de jihad", dit Gérard, se rappelant des rares conversations avec son fils, toujours par mail, une fois toutes les trois semaines ou tous les mois. "Je fais faire du sport aux petits Syriens", lui dit son fils. "On essayait de le raisonner, on savait qu’il n’y avait pas d’humanitaire là-bas donc on espérait toujours qu’il se tienne à l’écart, qu’il reste assez humain, qu’il se réveille, qu’il arrive à se sauver."
Mais ces maigres contacts ne suffisent pas à faire changer d'avis le jeune homme. Après des semaines de silence, c'est depuis l'hôpital que Marie-Agnès a appris la mort de son fils, décédé en kamikaze dans le désert irakien. "J'ai appris qu'un jihadiste français avait perdu la vie", raconte-t-elle. En voyant la photo, elle comprend qu'il s'agit de Pierre, son fils, son "bébé". "Je sais qu'il est parti en sachant qu'on l'aimait. Et lui nous aimait."
Son père, lui, n'a pas reconnu "son petit Pierre" sur les dernières photos de son fils. "Pour faire ça, ce n'était plus lui", regrette-t-il. "Ils ont chargé un camion d'explosifs et l'ont envoyé sur une base militaire chiite. Sur Internet, on voit Pierre souriant en train de monter sur le camion, mais je ne sais pas comment interpréter cette photo-là."
"Je souhaite à tout le monde d'avoir un fils comme le mien, aussi gentil", glisse Marie-Agnès en sanglotant. "Nous, on ne savait pas qu’il y avait tous ces terroristes derrière, on n’était pas informés." Et d'avertir les parents d'autres jeunes dans le même cas que son Pierre. "Maintenant, ils ont de la chance qu’il y ait un numéro vert. Les parents ne doivent pas hésiter à appeler, il y aura forcément quelqu’un pour les aider au bout du fil."
"Ils ont peut-être réussi leur œuvre d'endoctrinement", soupire l'homme. Comme lui, Marie-Agnès peine à réaliser : "Il fallait être très fort pour détourner un gamin comme le nôtre", regrette-t-elle. "C'est allé très vite : en septembre il partait vivre à Besançon et dès octobre, il quittait la France pour la Syrie."
"Est-ce qu’il a fait ça pour en finir ? On n’en saura jamais", finit Gérard. "On n’aura jamais de corps. On sera souvent par la pensée dans un coin en Irak."
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