Aujourd’hui retraitée, Jocelyne Coudurier vit seule dans son
appartement d’Elbeuf en Normandie. C’est là qu’elle s’est enfin décidée à
parler, à témoigner de l’horreur que son père lui a fait subir pendant plus de
trois décennies. "J’ai aussi et surtout attendu que mon géniteur décède
pour me sentir enfin libérée. Car avant, j’étais sa chose, son jouet, lui que
tout le monde appelait l’honorable Monsieur Coudurier", confie-t-elle.
Car en apparence, Jocelyne vivait dans une famille heureuse.
Son père était un homme très apprécié d’abord dans le village de Fismes (Marne)
puis à Eppeville (Somme) où ils habitaient. Mais quand les portes de la maison
se refermaient, ce père tellement honorable se transformait en bourreau. "Il a commencé par me taper quand j‘avais 3 ans et les
premiers viols sont apparus quand j’en avais 8. Puis ce fut au tour de ma jeune
sœur, et tout cela avec le consentement de notre mère qui envoyait elle-même
ses filles dans le lit conjugal", raconte-t-elle.
Les viols, c’était trois à quatre fois par semaine. Et cela a duré 33 ans
Jocelyne Coudurier
Dès l’adolescence, Jocelyne comme sa jeune sœur furent
contraintes d’avorter plusieurs fois. Sous la menace de leur père qui menaçait
de les tuer si elles tentaient de s’enfuir ou de le dénoncer, elles continuaient
de subir l’innommable. "Les viols, c’était trois à quatre fois par
semaine. Et cela a duré 33 ans". Le père de Jocelyne Coudurier sera arrêté le jour où sa plus
jeune fille ira le dénoncer à la gendarmerie en 1990. Un temps soupçonné dans
l’affaire Élodie Kulic, il sera finalement condamné à 4 ans de prison mais
sortira de détention au bout de 15 mois. "Et là, il a continué de me
harceler, de me violer, jusqu’à ce que je décide de fuir en Normandie et de me
libérer de cette terrible emprise", dit Jocelyne.
Son père a mis fin à ses jours en mai 2008 après avoir
abattu sa voisine d’un coup de fusil de chasse. "Mais il m’a fallu des
années pour parler de ce qu’il m’a fait subir, de ma vie brisée. C’est en
découvrant à la télé les révélations de la fille de Richard Berry que je me
suis décidée à écrire. Et si aujourd’hui je témoigne, c’est pour aider les
autres victimes d’inceste. Qu’elles trouvent le courage d’aller dénoncer,
d’aller dire ces faits odieux qu’on nous fait subir", dit-elle.
Bouches cousues, de Jocelyne Coudurier parait
le 19 avril 2023 chez City éditions.