ÉDITO - COP28 : "On nage en pleine hypocrisie", dénonce Alba Ventura

Le président émirati de la COP28 a appelé à mentionner le rôle des combustibles fossiles dans l'accord final. Ce n'est pas un malentendu. En même temps, Sultan al-Jaber, le patron de la COP, est non seulement le ministre de l'Industrie des Émirats arabes unis, mais il est aussi le patron de la compagnie pétrolière d'Abu Dhabi. C'est un peu comme si vous invitiez un fabricant de tabac au Congrès mondial contre le cancer du poumon. Sultan al-Jaber veut voir écrit dans l'accord final, non pas que les États s'engagent dans la sortie des énergies fossiles comme le veut l'ONU, mais que les États s'engagent dans la réduction des énergies fossiles. 

Et ça, ce n'est pas une nuance, c'est un fossé. En organisant une COP dans un pays pétrolier, on nage forcément en pleine hypocrisie. En témoignent d'ailleurs les documents de la chaîne anglaise BBC qui ont fuité lundi, selon lesquels les Émirats entendent conclure des accords et vendre des barils à une dizaine de pays pendant la COP. On verra à la fin si cette COP n'a servi à rien. On peut toujours avoir des surprises, mais si les pays pétroliers peuvent bien promettre de développer des énergies renouvelables, ils ne sont pas près d'arrêter les énergies fossiles ni de les réduire fortement. Il y a la "realpolitik" et il y a la réalité. Et la réalité, c'est le dérèglement climatique. 2023 va sans nul doute être l'année de tous les records. Jeudi, l'ONU s'est appuyée sur le rapport de l'Organisation météorologique mondiale, histoire de mettre un petit coup de pression, relevant que les gaz à effet de serre ont atteint des niveaux records, les températures mondiales ont battu des records, la mer est à un niveau record, la banquise de l'Antarctique n'a jamais eu une surface aussi fragile...

Même si les émissions de CO2 ont été réduites, les niveaux de CO2 sont 50% plus élevés qu'à l'ère préindustrielle. Ça veut dire que les températures vont continuer d'augmenter. Tout cela devrait suffire à poser les termes d'un calendrier et s'engager dans une vraie transition. Combien de projets pétroliers et gaziers ont été signés entre l'an dernier et cette année ? 473. Des projets un peu partout dans les pays pétroliers bien sûr, conduits par des compagnies comme Total, BP, Shell, ExxonMobil et bien d'autres. Tant que l'on construira des projets pétroliers, on aura du mal à enclencher la phase terminale de l'ère fossile, comme l'a dit le responsable climat de l'ONU.