Climat : Jean-Marc Jancovici explique pourquoi il n'est pas si simple de sortir du pétrole

Souvent dans le viseur en matière d'environnement, le géant français du pétrole Total Energies pourrait quitter la bourse de Paris pour se faire coter à New York.

Le site de la raffinerie Total Energy, à Gonfreville-l'Orcher, près du Havre, dans le nord-ouest de la France

Crédit : LOU BENOIST / AFP

CLIMAT - Jean-Marc Jancovici explique pourquoi il n'est pas si simple de sortir du pétrole

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Total est souvent une icône, au mauvais sens du terme, pour les groupes qui se préoccupent d'environnement et pour les associations de défense de l'environnement. Car Total est censé incarner le malin dans toute sa splendeur, la société qu'il faudrait supprimer pour que tout aille mieux. Alors en fait, les choses sont un peu plus compliquées que ça quand on les regarde en détail.

La première chose qu'il faut savoir, c'est que Total a beau être une société dont le siège est en France, cette entreprise ne fournit qu'une fraction très, très marginale du pétrole et des produits pétroliers que nous consommons en France. En fait, la manière dont ça se passe physiquement, c'est qu'en France, on consomme des produits raffinés qui viennent de raffineries françaises ou de raffineries étrangères. Et ces raffineries achètent le pétrole sur le marché mondial. Donc les raffineries françaises ou étrangères qui vont fournir nos carburants ont acheté du pétrole partout dans le monde et pas spécialement à Total qui extrait environ 2% du pétrole produit dans le monde.

Donc si on supprimait Total demain matin, la production pétrolière passerait de 100% à même pas 98%. Les 2% restants seraient repris par d'autres opérateurs et ça ne changerait à peu près rien à l'approvisionnement pétrolier de la France. Ce qu'il faut comprendre, c'est que si on veut qu'il y ait moins de pétrole consommé dans un pays donné, ce ne sont pas des opérateurs pétroliers qu'il faut attendre le miracle.

Il faut l'attendre d'autant moins que, si les opérateurs organisent une restriction de la production, on leur dit "ce n'est pas bien ce que vous faites, vous allez chercher et produire moins de pétrole" ; tandis que nous, on reste tout aussi dépendants du pétrole : on a toujours autant de voitures, on parcourt toujours autant de kilomètres, on a toujours autant de chaudières. Il en résulte une inflation monstrueuse. Si, vous faites une restriction de l'offre, en face, les gens en veulent toujours autant, vous allez avoir un choc de prix.

Comment se débarrasser du pétrole ?

La bonne manière de se débarrasser du pétrole, ce n'est pas de taper sur la tête des pétroliers. Il faut se débarrasser du pétrole, côté consommation. Donc, il faut faire en sorte que les chaudières à fioul disparaissent au profit des pompes à chaleur, que les voitures à pétrole disparaissent au profit de voitures électriques, bus, vélos, marches à pied, trains, etc. Il faut faire en sorte que les gens prennent moins d'avions.

Il faut absolument organiser cette baisse de la consommation : qu'on consomme moins de plastique et moins de bitume parce que le pétrole sert aussi à ça. Imaginer qu'on va résoudre le problème en supprimant un pétrolier qui représente 2% de l'extraction dans le monde, malheureusement, c'est prendre le problème par le mauvais bout. Le problème, c'est nous-mêmes, d'une certaine manière, et la façon dont la société s'organise ou pas pour arriver à être heureuse avec plus ou moins de pétrole.

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