Manuel Valls a averti jeudi du risque d'attentat avec des "armes chimiques ou bactériologiques", dans son discours devant l'Assemblée nationale sur la prolongation de l'état d'urgence. "Il ne faut aujourd'hui rien exclure. Je le dis bien sûr avec toutes les précautions qui s'imposent mais nous savons et nous l'avons à l'esprit. Il peut y avoir aussi le risque d'armes chimiques ou bactériologiques", a dit le Premier ministre devant un hémicycle quasi comble.
La diffusion de gaz sarin dans le métro de Tokyo en 1995 constitue l'exemple le plus tragique de recours par des terroristes à des armes chimiques et bactériologiques. On se souvient aussi des lettres contaminées à l'anthrax adressées à des médias, des institutions et des sénateurs américains dans la foulée du 11 septembre 2001 et des lettres à la ricine envoyées à Barack Obama, à un sénateur et un juge du Mississippi après les attentats de Boston en 2013.
Pour parer à toute éventualité, le gouvernement a autorisé en urgence, dans un arrêté publié samedi, la pharmacie des armées à distribuer un antidote aux armes chimiques à des services d'urgence civils en France. Ce produit anti-produits neurotoxiques, le sulfate d'atropine, est mis à disposition en raison du "risque d'attentats terroristes", dans le contexte de la COP21 qui réunira plus d'une centaine de chefs d'Etat et de gouvernement, selon cet arrêté signé par le directeur général de la santé.
S'il ne faut pas exclure le risque d'un attentat de ce type en France, il faut le ramener à sa juste réalité, estime Olivier Lepick, spécialiste des armes NRBC à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS) "Il faut en rester aux faits: oui, Daesh a réussi à mettre la main sur des armes chimiques, l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques l'a confirmé le 21 août. Des quantités excessivement limitées de gaz moutarde. Mais de là à penser qu'ils soient capables de monter un attentat chimique ou biologique en Europe, il y a un grand pas, qu'il ne faut peut-être pas franchir", rappelle le spécialiste. Les terroristes sont en effet confrontés à des barrières d'ordre technologique.
"Ce type d'armes est autrement plus difficile d'emploi que la kalachnikov et la ceinture explosive. Il ne suffit pas d'avoir du gaz moutarde, il faut être capable de le militariser, c'est-à-dire de le coupler à un système de dissémination, et là on entre dans des choses, des techniques qui sont très compliquées. Que Daesh ou d'autre entités sub-étatiques s'y intéressent, c'est une évidence, mais si c'était aussi simple, ils l'auraient fait depuis longtemps, alors qu'on en parle depuis une vingtaine d'années", poursuit Olivier Lepick, arguant que la France "s'y prépare depuis longtemps" et que "le plan Vigipirate comporte des volets Piratox, Piratom, Biotox qiu traitent de ce genre de choses".
Dans les couloirs de l'Assemblée, le député socialiste Philippe Doucet a trouvé "normal que le Premier ministre joue la transparence" sur le risque chimique, affirmant qu'"il y a un certain nombre de remontées d'information venant de Syrie qui peuvent montrer que c'est quelque chose de possible". Interrogé sur la réaction de la population à ces déclarations du chef du gouvernement, cet élu du Val d'Oise a jugé que "les gens ne sont pas dans une logique de panique".
Considérant que "le Premier ministre a sans doute prononcé ces paroles sur la base d'éléments précis", le député Les Républicains Eric Ciotti a aussi estimé hors de l'hémicycle qu'"il faut cette transparence" mais aussi qu'"il faut se doter de toutes les armes juridiques, militaires, matérielles et humaines pour contrer cette menace". Pour Nicolas Dupont-Aignan (Debout la France), "c'est une menace qui semble donc sérieuse" et "si le Premier ministre dit des choses aussi graves, il ne peut pas laisser les frontières ouvertes".
L'état d'urgence, décrété à la suite des attentats commis à Paris vendredi 13 novembre a été prolongé pour trois mois à la demande de François Hollande. La loi permettant cette prolongation a été présentée mercredi 18 novembre en conseil des ministres.