A69 : pourquoi le projet d'autoroute est-il si contesté ?

Une portion d’autoroute de 53 kilomètres doit permettre de relier Castres, dans le Tarn, à la métropole de Toulouse, en Haute-Garonne. L'A69 centralise les tensions entre les militants écologistes, opposés à la construction, et l'exécutif qui maintient les travaux.

Ce projet remonte aux années 90 et devrait faire gagner aux automobilistes douze minutes, pour 17 euros l'aller-retour. Pourquoi l'État défend-il ce projet ? Est-ce compatible avec l'urgence climatique, surtout quand l'exécutif souhaite réduire la part des énergies fossiles ? 

Selon Valentin Larquier, journaliste qui a couvert cette affaire pour RTL, "l'idée est de relier Castres à Toulouse et de 'désenclaver', comme le disent les partisans de cette autoroute, le territoire de Castres-Mazamet, au sud du Tarn, en réduisant le trajet tout simplement entre les deux villes avec l'autoroute". "Ce projet est porté par les laboratoires Pierre Fabre. C'est un employeur emblématique dans le Tarn qui avait vraiment l'ambition d'améliorer la desserte de son usine. Au fil des années, beaucoup d'entreprises se sont mis derrière lui", ajoute-t-il. 

Avis négatif du Conseil national de la protection de la nature

Le projet est déclaré d'utilité publique en juillet 2018. À partir de septembre 2022, le Conseil national de protection de la nature et l'Autorité environnementale ont rendu un avis négatif. Selon Julian Carrey, enseignant, chercheur, physicien et membre de l’Atécopol, un collectif de 200 scientifiques qui demandent l’arrêt de la construction de l’A69, "cet avis négatif a été rendu parce qu'il a été considéré que ce projet rentrait finalement en contradiction avec les engagements de réduire les émissions de gaz à effet de serre et d'aller vers une diminution de l'artificialisation des sols. Bien sûr, des projets peuvent être faits en dépit de ces contraintes, mais il faut pour ça qu'il ait vraiment une utilité majeure. Et avec cette autoroute, on considère que ce n'est pas une idée majeure", explique-t-il.

Il n'y a pas forcément de lien évident entre la construction d'une autoroute et le développement local

Julian Carrey, enseignant, chercheur, physicien et membre de l’Atécopol, un collectif de 200 scientifiques qui demandent l’arrêt de la construction de l’A69

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"L'objectif d'une autoroute avant tout, c'est de rouler à 130 kilomètres par heure. Le seul objectif d'une autoroute, c'est d'aller vite. Il y a eu beaucoup d'études au niveau mondial sur le lien entre le développement et les infrastructures et il n'y a pas forcément de lien évident entre la construction d'une autoroute et le développement local. Au contraire, ce qu'on pense, c'est qu'il y a un risque, en fait, de tout simplement favoriser le développement économique de Toulouse et de conduire à l'inverse de l'effet recherché", indique Julian Carrey.

Les défenseurs de l'A69 mettent en avant des arguments écologiques. "Le concessionnaire dit respecter tout ce qui concerne les mesures ERC : éviter, réduire, compenser. Il s'engage à replanter cinq arbres quand un arbre sera abattu. Il y a aussi la volonté chez le concessionnaire de faire une autoroute à la pointe, d'un point de vue environnemental, par exemple en réduisant le prix du péage pour les véhicules électriques comparés aux véhicules thermiques", détaille Valentin Larquier.

"Il est illusoire de vouloir recréer à un autre endroit la complexité d'un écosystème qui est détruit. Les écosystèmes sont extrêmement complexes, on ne peut pas juste prendre un écosystème et se dire tiens : 'Je vais recréer une zone humide à 30 kilomètres d'ici", avance Julian Carrey.

Des décisions politiques

Le scientifique, opposé au projet de construction de l'A69, indique avoir pu "constater une forme de mensonge de la part de l'État". "La préfecture du Tarn a déclaré qu'il y avait 2.400 individus violents (lors de la manifestation du 21 octobre 2023, ndlr), ce n'était pas le cas. Pour nous, le fond, c'est l'urgence écologique", a-t-il détaillé. 

Et d'ajouter : "On est en face de personnes qui continuent à réfléchir, comme dans les Trente Glorieuses. On n'est plus dans les Trente Glorieuses. Malgré le fait qu'il y ait des scientifiques en face d'eux qui leur rappellent les conclusions, Carole Delga, la présidente socialiste de la région Occitanie, prend des mesures en faveur de l'économie. J'ai l'impression que les masques tombent et que l'A69 est un symbole que ces personnes-là ont décidé de continuer malgré les alertes des scientifiques".

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