Alba Ventura : "Fillon est encore loin du jeu, set et match"

CHRONIQUE - L'ancien Premier ministre promet qu'il fera tout ce qui n'a pas été fait avant. C'est comme pour les trains : un Fillon peut en cacher un autre.

François Fillon lors d'une conférence de presse, le 25 juin 2014

Crédit : AFP / Bertrand Guay

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François Fillon vient de boucler une séquence médiatique intense. Invité du Grand Jury dimanche 29 juin sur RTL, l'ancien premier ministre a une nouvelle fois détaillé son programme économique libéral. Mais on retiendra aussi qu'il souhaite voir à la tête de l'UMP un président "issu de la génération montante".

Coup de griffes

Il souhaite surtout ne pas voir Nicolas Sarkozy à la tête de l'UMP. Voilà le message qu'il fallait retenir. Avec un petit coup de griffes quand on lui parle de la possible candidature de Nicolas Sarkozy : "Je n'avais pas noté qu'il appartenait à la génération montante".

François Fillon ne jouera donc pas le match de l'UMP. Il invite d'ailleurs Nicolas Sarkozy à faire de même, quand il décrit un parti dans un sale état, sans aucun moyen. Une façon d'avertir l'ancien président, sur le mode : "Tu es sûr de vouloir te battre pour ça ?"

François Fillon ne veut pas qu'on le prenne pour un naïf et un débutant. Il a senti le piège dans lequel le clan sarkozyste voudrait bien l'attirer : le duel avant l'heure pour la présidence de l'UMP. Pour l'ancien Premier ministre, l'heure de vérité ce sont les primaires, pas le congrès de l'UMP du mois de décembre. Qu'on se le dise, François Fillon ne se laissera plus jamais dicter sa route.

Des bleus et des bosses

Il parle de "rupture". C'est d'abord clairement une rupture vis-à-vis de Nicolas Sarkozy. Il veut dire qu'il fera tout ce que l'ancien chef de l'État n'a pas réussi à faire. Peu importe si on lui oppose qu'il était son Premier ministre. Peu importe si on lui reproche de ne pas avoir claqué la porte. Fillon explique qu'il n'était pas tout seul à décider, que la crise était "sauvage", et qu'il a fallu composer.

Des arguments que pourrait bien reprendre à son compte Nicolas Sarkozy. L'ancien président ne manquera surtout pas de rappeler à son ancien Premier ministre qu'il n'a pas beaucoup fait état de ses désaccords, alors que lui le faisait du temps de Jacques Chirac. Cette rupture-là, elle est signée "Sarko".

On aura compris que la rupture version Fillon s'inspire de cet échec. Il le dit d'ailleurs : "Il n'y a pas eu de rupture Sarkozy, ni de rupture Fillon", "on a rusé les Français". Il faut l'entendre, ça.

François Fillon fait le pari que les Français sont prêts à supporter la vérité, et à la vivre surtout. Il veut croire qu'il a une clientèle pour des mesures ultra-libérales, et qu'il pourra les mettre en oeuvre sur un seul quinquennat. François Fillon se dit, en fait, que son expérience et ses échecs ne le placent pas dans la pire des situations. Avoir des bleus et des bosses, au fond, c'est plutôt un gage de crédibilité.

Fillon a-t-il la fringale ?

Cela peut jouer, mais il y a deux questions qu'on se pose. D'abord, est-ce que ça suffit ? Avec François Fillon, on se demande, quand il monte en puissance, si c'est par devoir ou par envie. Même ses amis doutent parfois de sa fringale du pouvoir. Il veut montrer qu'il a un programme ambitieux pour la France. Mais lui, est-ce qu'il a vraiment l'ambition pour lui ?

L'autre question, c'est : est-ce que ce n'est pas trop tôt ? Dévoiler un projet économique, à la veille des vacances, est-ce que les Français ont la tête à ça ? Est-ce que ce n'est pas gâché ?

François Fillon, c'est un joueur de fond de court. Rigoureux, il renvoie la balle, c'est net. Là, il vient de monter au filet. Mais il est loin encore du "jeu, set, et match".