Direction Saint-Pétersbourg, au club des Old Friends, qui est au béhourd ce que le Real Madrid est au foot. Le béhourd est un sport méconnu, qui consiste à de véritables combats de chevaliers en armure.
C’est un reportage de la revue Sphères, consacré cet hiver aux reconstitueurs d’histoire. Imaginez dix mastards couverts d’une trentaine de kilos de métal, qui s’élancent comme des rugbymen droit sur l'adversaire. Pas un mot, pas un cri, juste le fracas des armes, les épées en titane et les masses en bois qui s’abattent sur les casques métalliques. Les attaques sont lentes, mais puissantes. Des éclats de bois jaillissent des boucliers. Soudain, un combattant est acculé contre la rambarde en bois au bord du terrain. Trois costauds en armure l’encerclent, ils frappent à la tête, aux bras, aux chevilles.
Le chevalier isolé finit par s’agenouiller et déposer les armes. Puis un autre, et encore un autre, et l’arbitre siffle la fin du combat. Ça n’a pas duré plus d'une minute mais tous les combattants sont lessivés, le souffle court, le visage écarlate. "Il ne faut pas faire plus d’un entrainement par semaine, sinon c’est dangereux pour la santé", dit Franco. Comme tous les autres, c’est un grand costaud, qui passe autant de temps en salle de muscu qu’au combat. "La première fois que tu enfiles cette armure, c’est tellement difficile ! Moi ça fait 4 mois et ça me fait encore mal", dit-il.
Avant chaque combat, Youri l'entraîneur, évacue tout le monde autour du ring. "Les sportifs sont souvent projetés hors du terrain", dit-il. Je vous laisse imaginer, la chute d’un chevalier de plus de 100 kilos sur vos mocassins. D’ailleurs à ses débuts, le béhourd se pratiquait dans une certaine anarchie et il y avait parfois des blessés. Aujourd’hui c’est un sport international bien encadré.
"Les règles sont simples, c’est du full contact : on peut taper partout sauf entre les jambes, sur les pieds et dans le genou. Et les coups d’estoc sont interdits, car certains heaumes ne protègent pas totalement le visage", explique Youri. L’estoc, c’est avec la pointe de la lame. Les chevaliers sont Russes mais les armures sont suisses, parce que ce sont juste les meilleures. "Dans le béhourd, c’est la sécurité qui prime", dit un combattant.
Dans le petit bar du club, pas d’alcool mais une forêt de coupes et de trophées, et une immense affiche qui rappelle que l’équipe a été adoubée par le prince Albert de Monaco il y a un an, pendant la Ligue des champions. Oui, il y a une Ligue des champions, et aussi une Coupe du monde appelée la Batailles des Nations. Grâce aux Old Friends, depuis 10 ans, la Russie y a presque tout gagné. Les duels, les cinq contre cinq et les 21 contre 21.
Elle n’a perdu que deux combats, contre la Moldavie et contre l’Ukraine. "Les Ukrainiens, ce sont nos plus grands adversaires. Ils sont forts, ils ont plein de jeunes et beaucoup de supporters", dit Youri. L'entraîneur avoue aussi un certain respect pour les Anglais. Moins pour les Américains…
Et les Français, dans tout ça ? Les chevaliers russes leur portent une certaine admiration. Chez nous le béhourd serait un art de vivre, un mélange équilibré d’histoire et de sport. "Les Français sont des romantiques, ils sont dans l’observation, le ressenti. Nos Russes ont une autre mentalité, ils sont dans la souffrance, la hargne", dit Irina, l’une des combattantes. Car oui, il y a aussi des femmes qui combattent. Depuis 2014 elles ont leur propre catégorie aux mondiaux.
Ce sont des passionnées d’histoire qui ont préféré l’armure aux bouquins, la compét’ aux reconstitutions en costume. Une grande passion russe, les reconstitutions. Notamment à Saint-Pétersbourg car on y trouve plusieurs forteresses. Mais c'est souvent un moyen pour le pouvoir de réécrire l’histoire. Alors les sportifs ont fait sécession, chauvins sur le terrain, mais politiquement neutres.
Le béhourd, de la sueur et des armes, reportage complet à lire dans la revue Sphères.