Elle avait 90 ans mais Marceline Loridan-Ivens n'avait rien d'une vieille dame : droite comme un "i", tignasse électrique et flamboyante. 1 mètre 46 d'énergie, entre joie et rage de vivre. Une punk carte vermeil, malicieuse et poétique.
Le genre de femme qui dit des gros mots, boit de la vodka, roule ses clopes et fume des joints. Pas la dernière pour faire la fête, pour rire et faire rire, l'humour noir en bandoulière, "alors, ça gaze?". Liberté de ton, liberté de tout. Jamais en retard d'une colère. "Le premier qui dit "youpin", je lui casse la gueule". Elle ne pleurait jamais, elle était si forte, quelquefois si dure. "Je veux rendre la brutalité avec laquelle je suis revenue", disait-elle. Ajoutant parfois, une provocation : "on n'aurait pas dû revenir". C'est dans les camps qu'elle a rencontré Simone Veil.
Quand elle a rencontré Simone Veil, elle était alors Marceline Rosenberg, elle avait 15 ans. Elle a menti sur son âge et c'est ce qui l'a sauvée. Ça, et l'amitié. Simone Veil, c'était sa "jumelle contradictoire", disait-elle. "Nous n'étions pas du même monde, une bourgeoise francisé et une juive pollack". Mais elles avaient la même jeunesse et la même révolte.
"On avait faim, on avait peur ensemble, et on chantait. C'est là bas que j'ai été le plus aimée". Elles se perdront de vue à la libération, se retrouveront par hasard 10 ans plus tard. L'une mère de famille, bonne élève, de droite modérée. L'autre divorcée, autodidacte, gauchiste exaltée. La dame au chignon et l'échevelée. Elles s'engueulent, elles s'admirent... C'est ensemble qu'elles fêteront la loi de 1975 sur l'IVG : "Comme toutes nos victoires, avec de la vodka et des harengs".
C'est là qu'elle a décidé de ne jamais avoir d'enfant. Par peur que ça recommence. Elle dormira longtemps à même le sol, ne supportera jamais les portes fermées. Deux fois elle tente d'en finir. Et puis non, la vie est plus forte, elle s'y jette à corps perdu.
Elle s'étourdit dans le Paris jazz et intellectuel. Elle épouse les combats de l'époque, cache chez elle des valises de billets pour le FLN. Elle épouse aussi l'homme de sa vie, le documentariste Joris Ivens. Sans tabou, sans concession, elle est l'une des premières femmes à porter le pantalon, à signer le manifeste des 343. La première aussi à témoigner de l'horreur des camps. Elle n'en est jamais vraiment revenue. Éternelle jeune fille de 15 ans, émerveillée et désespérée, pessimiste et joyeuse. Son matricule sera gravé sur sa tombe.
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