Ça en dit long sur un homme, comment il vécut, comment il est mort, et
comment on l'enterre. La référence en la matière, c'est Victor Hugo. Le 1er juin
1885, sans TGV ni réseaux sociaux, 2 millions de personnes se retrouvent à
Paris pour saluer la mémoire du grand homme. 600.000 personnes font la queue
simplement pour toucher son cercueil exposé sous l'Arc de triomphe. Johnny et
Victor Hugo, on n'aurait pas franchement osé la comparaison et pourtant ils ont
ceci en commun : ils sont les seuls à avoir eu les honneurs des Champs-Élysées.
Mais pour Hugo, l'hommage est national, et s'achève au Panthéon.
Depuis, d'autres funérailles ont marqué la France. Le Huffington Post nous les fait revivre en images. Ferveur populaire en 1963 pour Édith Piaf, emportée
par la foule, forcément. Mais le gouvernement lui refuse un hommage officiel,
"en raison de sa vie personnelle dissolue". La foule aussi pour Joséphine Baker,
deux ans plus tard. Obsèques nationales cette fois, pour saluer ses engagements.
Et puis en 1970, pour de Gaulle, rien ! Ni hommage national ni fanfare. Le
général a refusé la descente des Champs-Élysées. Mais la Ville de Paris organise
une marche monstre de Concorde à l'Étoile. Et il y a, tout de même, une journée
de deuil national.
En 1976, rien d'officiel pour Jean Gabin, mais une bousculade sans nom et des
admirateurs qui s'évanouissent. Comme pour "Cloclo" en 1978, Coluche en 1986 ou
Gainsbourg en 1991. Les fans graveront leur chagrin sur la façade de sa maison.
Deuil national pour Mitterrand en 1996. Des milliers de personnes suivent la
retransmission sur écran géant de la messe à Notre-Dame. L'édifice déborde en
2007 pour l'adieu à l'abbé Pierre, plus de 5.000 personnes assistent à la messe.
Hommage de la nation pour le fondateur d'Emmaüs. Comme pour Jean d'Ormesson
aujourd'hui aux Invalides.
Ce n'est pourtant pas un jour triste, c'est même une journée d'espoir puisque
c'est le lancement du Téléthon. Et derrière les chiffres qui défilent sur le
compteur des dons, il y a des hommes, des femmes qui cherchent et qui trouvent
parfois. C'est ainsi que dans quelques semaines seront dévoilés les résultats
d'un essai prometteur de thérapie génique. Essai sur des enfants atteints d'une
maladie musculaire rare et au nom barbare : la myopathie myotubulaire. Moins
d'une dizaine de cas par an, mais un enfant sur deux meurt avant deux ans. Il
n'existe aucun traitement, pour l'instant. C'est une biologique française qui
porte ce projet. Ana Buj Bello s'y consacre depuis 20 ans. Au départ, elle
travaille sur des souris.. Premiers résultats encourageants, mais ensuite,
comment avancer ? Sur quel animal travailler ?
C'est alors que survient un hasard incroyable. La mère d'un enfant atteint
croise au Canada un chien qui boite. Elle reconnaît les symptômes de la maladie.
Une colonie de ce type de chien est montée aux États-Unis. Et tout bascule. Ce
qui marchait un peu sur les souris devient spectaculaire sur les chiens. Avec
une seule injection d'un gène sain, ils remarchent, ils gambadent même. Un essai
sur les humains a débuté en septembre. Quatre enfants sont traités aux
États-Unis. Ce sont ces résultats qu'on attend. Ana Buj Bello a la foi, elle y
croit comme une enfant, comme on peut croire au ciel. "Rien ne sera simple, mais
l'espoir est là", dit-elle. Belle histoire, à lire dans Libération.
Il y a les enfants malades et les enfants perdus. Comme cette jeune fille qui déambule entre Paris et la Bretagne. C'est une Américaine aux allures de routarde, pantalon sarouel, sac à dos et ukulélé en bandoulière. Elle loge dans un Airbnb et ne sort quasiment que la nuit, parce qu'elle aime les lumières de la ville.
Personne ne sait qui elle est et pourtant, cette fille de 19 ans à qui on donnerait volontiers un euro est en fait l'héritière d'une fortune estimée à un milliard de dollars. Elle s'appelle Paris Jackson, et c'est la fille du roi de la pop. Depuis la mort de son père, elle a connu le pire : le harcèlement sur internet, une agression sexuelle à 14 ans, la drogue, les tentatives de suicide. Aujourd'hui, elle se reconstruit en voyageant comme une anonyme, aux États-Unis, en Europe.
Paris Match l'a suivie en France. Quand elle ne déambule pas, Paris est actrice et mannequin. Elle a la peau blanche et les yeux bleus pervenche, mais elle le jure, elle se sent noire. "Mon père me regardait dans les yeux, il me pointait du doigt et me disait : 'Tu es noire, sois fière de tes racines'". Ce n'est sans doute pas le plus étrange dans son enfance, vécue à l'isolement avec ses deux frères dans le domaine de Neverland.
Ils n'en sortiront qu'en 2005,
Paris avait alors 7 ans. Aujourd'hui, elle a repris les combats humanitaires de
papa, la fondation Heal the World. Elle a pris aussi sa personnalité, pour le
meilleur et pour le pire. 50 tatouages sur le corps, dont 9 dédiés à son père.
Elle vénère le dieu indien Ganesh mais aussi les personnages de Walt Disney. Et
elle est fascinée par la mort.
La mort, on y revient. Partons pour un dernier voyage. En 1992, lors d'une
mission spatiale, la navette Columbia a dispersé dans l'espace une partie des
cendres du créateur de Star Trek. Il a été le premier homme à être envoyé dans
la stratosphère post mortem. Aujourd'hui, 25 ans plus tard, c'est à nouveau
possible, mais pour vous et moi, pour tout le monde, grâce à une petite société
joliment baptisée Poussière d'étoile, que l'on découvre dans Society.
À la manœuvre, un couple de Montpellier : lui est conseiller funéraire, il a
eu l'idée, un jour, de récupérer les ballons-sondes de Météo-France, ceux qu'on
utilise normalement pour les tests atmosphériques. En 15 jours, un mois maximum,
il organise des cérémonies de départ dans l'espace. Le temps de présenter le
plan de vol, d'obtenir les autorisations. Le jour J, on réunit la famille, les
enfants sont bienvenus.
Après un moment de recueillement, les cendres sont transvasées de l'urne d'un ballon. Puis on regarde vers le ciel et la personne part, sans bruit, elle disparaît progressivement. On ne voit pas la fin de son voyage, car les cendres montent ainsi à 35 km, avant que le ballon explose. C'est un deuil symbolique et poétique. Déjà une vingtaine de dispersions en 3 mois. Le voyage ne fait que commencer. C'est tout de même joli de quitter la terre, en quittant la Terre. Ça aurait peut-être plu à Jean d'O...