Après avoir raflé 18 Emmy Awards en septembre 2024, la série Shōgun, diffusée en France sur la plateforme Disney+, entre un peu plus dans la légende en récoltant quatre Golden Globes ce 5 janvier 2025 : Anna Sawai, Hiroyuki Sanada et Tadanobu Asano ont été récompensés pour leurs interprétations et la mini-série a décroché le prix de la meilleure série alors même que la concurrence était féroce. Détail amusant : la première adaptation de Shōgun en série télé, en 1980 avec Richard Chamberlain dans le rôle principal, avait, elle aussi, décroché le Golden Globe de la meilleure série.
Le succès de Shōgun version 2024 est d'autant plus impressionnant que ces acteurs récompensés s'expriment en langue japonaise pour la vaste majorité de leur temps à l'écran. Les cérémonies américaines semblent prendre goût aux productions étrangères. Il suffit de constater les succès des films The Substance et Emilia Pérez conçus par deux Français pour s'en convaincre.
Shōgun est donc officiellement LA série de 2024 qu'il faut absolument visionner. Coup de chance, c'est une série courte puisqu'il s'agissait là d'une première saison. Initialement, la série devait d'ailleurs se finir sur le dixième et dernier épisode de cette saison. Mais l'engouement du public et de la critique a donné envie aux diffuseurs de prolonger le plaisir. Avant que tout le monde ne se rue sur la saison 2, vous avez le temps de profiter pleinement de Shōgun.
Tout d'abord, c'est une série qui a réussi à connaître le succès tout en faisant lire des sous-titres au public anglo-saxon. Un miracle tant on connaît l'aversion pour les langues étrangères de ces téléspectateurs et la fâcheuse habitude hollywoodienne de multiplier les remakes "in english" de séries et films à succès du monde entier pour les rendre parfaitement digestes.
En effet, même s'il s'agit d'une production américaine et que l'acteur principal incarne un marin britannique s'exprimant en anglais, la vaste majorité du casting et des dialogues de la série Shōgun sont japonais. Rien de plus logique pour cette mini-série historique en 10 épisodes qui raconte l'histoire vraie, mais romancée, de l'accession au pouvoir de Ieyasu Tokugawa (rebaptisé Toranaga dans la fiction) à la fin du XVIe siècle au Pays du Soleil levant.
Les amateurs de récits historiques sur le Japon connaissent bien Shōgun. Avant d'être une série télé, il s'agit d'un roman publié en 1975 et signé James Clavell. Le troisième volet de sa saga asiatique et premier roman de l'auteur sur le Japon. En choisissant de suivre son héros, John Blackthorne (librement inspiré du vrai William Adams, le premier Anglais à être allé au Japon), James Clavell disposait de la porte d'entrée parfaite pour faire découvrir aux lecteurs occidentaux le Japon historique.
C'est cet esprit de découverte qui est la première grande force de Shōgun d'un point de vue narratif. Les producteurs l'avaient d'ailleurs très bien compris puisque le roman a déjà été adapté par le passé en 1980, avec Toshirō Mifune et Richard Chamberlain en tête d'affiche. Déjà à l'époque, cette intrigue politique bien ficelée dans un pays à l'histoire méconnue avait su trouver son public.
En 2024, il était bien temps de remettre cette histoire au goût du jour, en expurgeant certains aspects "exotiques" datés, et en mettant des moyens pour rivaliser avec les grandes aventures télévisuelles épiques que sont les séries comme Game of Thrones, House of the Dragon, Vikings ou Les Anneaux de Pouvoir. Dans Shōgun, nous retrouvons tous les éléments de ces fresques guerrières qui séduisent tant le public : des épées, du mystère, des cultures méconnues, des décors et costumes sublimes et des manipulations politiques bien ficelées.
Shōgun est une série courte. L'intrigue contenue dans le roman tient dans ses dix épisodes. Et, contrairement à de nombreux programmes qui concentrent le grand spectacle dans le pilote avant de lentement s'affaisser au fil des saisons, Shōgun ne fait que gagner en qualité avec le temps. Les yeux des téléspectateurs se posent d'abord sur notre héros John Blackthorne incarné par un Cosmo Jarvis qui gagne grandement en finesse et en profondeur avec le temps, comme son personnage. Rapidement, ce marin anglais va devenir un personnage presque secondaire et ce sont les fabuleux acteurs japonais au casting qui vont prendre toute la lumière. Pour le meilleur.
Plusieurs comédiens prennent tout particulièrement la lumière, à commencer par celui qui justifie le nom de la série, Hiroyuki Sanada qui incarne le daimyo (ou seigneur) Yoshii Toranaga. Le comédien de 63 ans, vu dans des grands succès comme Ring, Le Dernier Samouraï ou les séries San Ku Kaï ou Lost, brille par son interprétation d'un dirigeant calculateur et sage, qui inspire simultanément respect et peur. Il n'a pas volé son Emmy Award du meilleur acteur dans une série dramatique, ni son Golden Globe.
Anna Sawai (Fast and Furious 9, Giri/Haji, Pachinko), qui joue l'impressionnante et glaciale Dame Mariko, une noble chargée de traduire les mots de notre héros et des prêtres portugais qui tentent de négocier avec le Japon féodal encore très méfiant vis-à-vis des Européens, fascine. Sa force de caractère camouflée sous les plis de ses superbes toilettes et des siècles de codes sociaux indéchiffrables pour les profanes la rend totalement magnétique. Cette actrice néo-zélandaise d'origine japonaise a, elle aussi, décroché plusieurs statuettes pour sa performance.
Tadanobu Asano en ours mal léché, Tommy Bastow en prêtre stratège, Tokuma Nishioka en symbole de droiture et d'honneur, Moeka Hoshi qui incarne une veuve au destin impossible ou encore Fumi Nikaidô en vénéneuse régente… Composent des tableaux de plus en plus fascinants jusqu'au dénouement final.
Outre le jeu des acteurs et le scénario très solide (et riche en surprises), Shōgun brille par la qualité de sa production. La musique d'Atticus Ross, Leopold Ross, Nick Chuba et Taro Ishida pour les apports en musique traditionnelle japonaise est splendide. Les décors naturels de la Colombie-Britannique, le montage, la photographie (même si elle abuse parfois de certains effets "fish-eye" répétitifs et perturbants dans les premiers épisodes), les décors intérieurs, effets spéciaux et costumes sont un régal pour les yeux. Une fois encore, les Emmy Awards attribués pour les costumiers, coiffeurs, prothésistes et maquilleurs, sont amplement mérités.
Shōgun est - désormais officiellement - la meilleure série de l'année écoulée. Elle a marqué l'histoire de la cérémonie américaine en recevant 18 récompenses sur 25 nominations, un record pour une série puisqu'il faut en général plusieurs saisons à une série pour dépasser ce nombre. Shōgun l'a fait dès sa première saison… qui devait être la dernière. Après le succès critique, des saisons 2 et 3 ont été commandées et il est encore difficile de savoir sur quelles sources elles reposeront : les autres romans non-japonais de James Clavell (mais le titre Shōgun n'aura plus de sens) ou sur l'histoire du véritable shōgun après sa prise de pouvoir ? L'histoire féodale japonaise reste assez riche pour nourrir de nombreuses saisons en rebondissements et drames variés.
Deuxième record pour cette série : elle fut la deuxième, en langue étrangère, à recevoir l'Emmy Award de la meilleure série dramatique, la récompense la plus convoitée de la soirée. La première production à avoir réussi cet exploit, c'est la coréenne Squid Game, une mini-série qui, elle aussi, forte de son succès, travaille toujours sur une suite qui n'était pourtant pas prévue au départ.
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