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VIDÉO - "Millénium 5" : David Lagercrantz livre ses secrets sur Lisbeth Salander
RENCONTRE - L'écrivain suédois, qui succède au génial Stieg Larsson, fait grandir son personnage de hackeuse tatouée devenue icône littéraire.
Evénement en librairie ce jeudi 7 septembre avec la sortie mondiale de Millénium 5, la nouvelle suite de la série policière suédoise créée par Stieg Larsson et reprise par David Lagercrantz. Ce lancement planétaire a été entouré du plus grand secret mais, en avant-première, nous avons pu lire ce cinquième tome, intitulé La Fille qui rendait coup pour coup, publié chez Actes Sud. Nous avons rencontré en exclusivité David Lagercrantz à Stockholm. Qu'arrive-t-il à ses deux héros, Lisbeth Salander et Mikael Blomkvist, dans Millénium 5 ?
Pas question de tout vous dire ici, bien sûr, mais sachez que les 400 pages de La Fille qui rendait pour coup vous laisseront sonné, groggy, K.O. tant les situations critiques, les coups de théâtres et les révélations s'y succèdent.
Et ça démarre fort puisque d'entrée, on retrouve Lisbeth Salander en prison, condamnée pour avoir pris quelques libertés avec la loi dans le volume précédent. Pourquoi malmener ainsi cette héroïne ? David Lagercrantz n'est-il pas un peu sadique avec elle ?
[Lisbeth] a besoin de circonstances rudes pour exister.
Stieg Larsson
"Non. Mais j'adore Lisbeth Salander. Elle a besoin de circonstances rudes pour exister, explique l'écrivain au micro de RTL. J'ai commencé à écrire le roman alors qu'elle se baladait dans un Stockholm ensoleillé. Mais ça n'allait pas. Et puis j'ai eu l'idée qu'il y avait cette possibilité de la mettre en prison. Et quand j'ai fait ça, elle s'est mise à exister. Lisbeth est une fille qui a besoin de problèmes. Elle a besoin d'être une rebelle qui contre-attaque. Et elle va trouver une adversaire à sa mesure dans la prison où elle est détenue !"
Pas de bon polar sans méchant réussi, une méchante en l’occurrence, une détenue surnommée Benito, en référence à Mussolini, qui terrorise ses congénères et les matons, et qui a fait d'une jeune musulmane, Faria, son souffre-douleur. Lisbeth prend sa défense. Une guerre sans merci commence avec Benito et l'on découvre le sort tragique de Faria, injustement condamnée à la suite d'un complot de ses frères, des intégristes, fous furieux qu'elle ait aimé un garçon qu'ils n'avaient pas choisi. L'islam radical, le sort des femmes, voilà l'un des thèmes qui parcourt ce 5ème tome de Millénium.
"[L’islamisme] est l'un des dangers, analyse David Lagercrantz. Il y a aussi les droites extrêmes, les racistes, toutes sortes d'intolérances. Le vrai problème c'est l'extrémisme, peu importe lequel. L'islamisme est bien sûr l'un d'eux. L'oppression des femmes et des minorités, peu importe lesquelles. On a besoin d'un monde plus tolérant. Je pense que c'est la question la plus importante".
L'origine de son tatouage
David Lagercrantz livre des épisodes clés de l'enfance douloureuse et encore largement mystérieuse de Lisbeth Salander. La révélation qui ravira sans doute les fans, concerne le fameux tatouage de dragon que Lisbeth porte dans le dos... "Ça fait partie de ma mission : répondre aux questions, reprend l'auteur. On veut savoir ce qui l'a créé. La mythologie de Lisbeth Salander. Toutes les horreurs de son enfance. Et depuis que j'ai commencé je me disais : 'Pourquoi a-t-elle ce grand dragon tatoué sur le dos ?', avant de me rendre compte qu'une fille comme elle ne ferait pas ça sans une excellente raison."
"Je cherchais cette raison. Je posais des questions aux gens à propos des dragons. Et puis il y a cette église dans le quartier et dedans cette immense statue de Saint Georges terrassant le dragon, révèle-t-il. Et quand j'ai vu son visage et le dragon qui hurlait sous lui… Il y a eu comme cette fièvre en moi et j'ai compris pourquoi elle l'avait mis sur son dos."
De sa prison, Lisbeth, tandis qu'elle règle ses comptes avec sa rivale, l'affreuse Benito, se lance dans une véritable enquête sur son passé... Le vieil avocat Holger Palmgren, l'ancien tuteur de Lisbeth, lui apporte des documents sur une étrange expérience scientifique dont elle a été l'un des cobayes, menée dans le plus grand secret par les autorités suédoises. C'est le volet le plus haletant de l'intrigue déployée par David Lagercrantz qui lui permet d'aborder les thèmes de la gémellité, de la substitution d'identités et de ce qui forge notre personnalité.
L'hyperacousie
Autre sujet, passionnant, scientifique, dont s'empare David Lagercrantz, celui de l'hyperacousie, la faculté de tout entendre, dont il dote deux des personnages qui vont jouer un rôle primordial dans Millénium 5. En menant ses recherches, David Lagercrantz a constaté que les musiciens étaient surreprésentés parmi les personnes atteintes d'hyperacousie, d'où leur présence dans Millenium 5 et celle de la musique, le jazz de Django Reinhardt en particulier.
Et ce qui n'est pas mineur dans La Fille qui rendait coup pour coup, c'est la place qu'occupe Lisbeth Salander. Si son complice, le reporter Mikael Blomkvist est toujours à ses côtés, la hackeuse à la silhouette grêle et androgyne créée par Stieg Larsson, est devenue au fil de la série le personnage dominant.
Faire survivre les personnages
À ce propos justement, on se souvient de la querelle qui avait accompagné la sortie de Millenium 4 entre ceux qui ne voulaient pas que l'on donne une suite à la trilogie de Stieg Larsson, à commencer par sa compagne, et ceux qui le souhaitaient comme ses frères. Le débat est-il clos aujourd'hui ?
Le succès de Millénium 4 a rendu plus discrets les détracteurs mais David Lagercrantz se souvient encore de la violence de la polémique. "C'est toujours dur d'être dans la tempête, admet-il. Je voyais mon visage placardé, il y avait des débats. Mais je savais dans mon cœur que c'était la bonne chose à faire. Maintenant on savait que c'était bon pour l'héritage de Stieg Larson. On a pu trouver de nouveaux lecteurs et on a mis un coup de projecteur sur l'œuvre de sa vie : combattre l'intolérance. Ses personnages deviennent des icônes. Ils sont tellement bons, ils méritaient de lui survivre.
