Pierre Assouline mélange fait historique et fiction dans "Sigmaringen"

La rentrée littéraire d'hiver débarque dans les librairies avec près de 550 nouveautés. Le premier coup de cœur va au roman de Pierre Assouline, Sigmaringen. L'auteur revient sur l'un des épisodes les plus infamants de la fin de l'occupation en France. Début septembre 1944, Hitler offre l'exil au Maréchal Pétain et au gouvernement de Vichy en Allemagne, dans le château de Sigmaringen.

Le drapeau français est hissé sur la forteresse. Plus que jamais otages des nazis, certains des ministres collabos continuent de travailler comme si de rien n'était et les clans autour du vieux maréchal se déchirent. Pierre Assouline écrit ainsi une comédie tragique, bouffonne et suréelle.

Les gens se montent la tête pour combattre l'ennui

Pierre Assouline, auteur de Sigmaringen

"C'est totalement dérisoire de se battre pour des postes ou des bureaux. Tous ces gens perdent totalement le sens des réalités. Ils n'ont pas le sens de la guerre et de la misère qui les entourent. Ils se font servir dans un château. On est vraiment dans un microcosme ahurissant. C'est une sorte de nid de guêpes permanent où les gens se montent la tête pour combattre l'ennui", détaille l'auteur.

Sigmaringen, c'est aussi la petite ville nichée au pied du château. 2.000 civils français compromis avec Vichy et les nazis s'y sont réfugiés. Parmi eux, le docteur Louis-Ferdinand Destouches, autrement dit Céline, auteur d'épouvantables pamphlets antisémites. Pierre Assouline n'en brosse pourtant pas un portrait à charge, dans ce climat crépusculaire où il s'agit d'abord de sauver sa peau.

Mélanger le réel à la fiction

"Il ne s'engage pas et ne prend pas position. Les rares fois où il crie en public, c'est pour dénoncer les nazis et les collabos. Il est lucide et ne pense qu'à se sauver en gagnant le Danemark ou la Suisse. En attendant, il se consacre à soigner les Français. Avec son argent, il fera venir de Suisse des médicaments", raconte Pierre Assouline.

Aux faits historiques, l'auteur mêle la fiction. Comme pour son livre Lutetia consacré au palace parisien, la plus belle trouvaille romanesque de Pierre Assouline, c'est son narrateur, le témoin de tous ces évènements le majordome du château, Julius Stein, formidable personnage.

Une métaphore de la réconciliation franco-allemande

Toute la réussite du livre est là dans ce majordome magnifiquement campé. Rien n'échappe à Julius Stein, il ne sort jamais de sa réserve, mais n'en pense pas moins. En outre, il porte un secret dont la révélation le rendra encore plus attachant et, pour épicer le tout, il tombera sous le charme de l'intendante française de Pétain.

Pierre Assouline part d'un récit historique bien documenté et signe un troublant roman d'amour et une superbe métaphore de la réconciliation franco-allemande.

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