Charb, Cabu ou Tignous sont devant la caméra ou racontés par leurs amis dans L'Humour à mort. Un documentaire projeté lors du Festival de Toronto. Il revient sur les attentats de janvier et rend hommage, en les faisant revivre, aux dessinateurs de Charlie Hebdo assassinés.
En cas de pépin, je sais que des gens sont capables de se mobiliser pour la liberté d'expression
Charb
"On a le droit de ne pas trouver drôle ou de trouver énervant un dessin, un propos, une parole. Mais on peut répondre par un dessin, un propos, une parole", lance Charb. "On n'est pas obligé de déclarer la guerre et d'éliminer physiquement son détracteur", termine-t-il, le regard face caméra. "En cas de pépin, je sais que des gens sont capables de se mobiliser pour la liberté d'expression", ajoute-t-il.
Ces propos, qui trouvent toute leur résonance aujourd'hui, ont été prononcés il y a huit ans par l'ex-directeur de Charlie Hebdo. Charb a été tué le 7 janvier dernier, dans l'attaque au siège du journal. Elle a coûté la vie à 12 personnes, dont cinq de ses dessinateurs (Charb, Cabu, Honoré, Tignous, Wolinski).
Le documentariste Daniel Leconte avait longuement filmé les dessinateurs en 2007 pour son documentaire C'est dur d'être aimé par des cons. Ce film est sorti lors du procès intenté à Charlie Hebdo pour avoir reproduit les caricatures de Mahomet. Daniel Leconte a décidé, avec son fils Emmanuel, de leur consacrer un nouveau film. Des images de l'époque sont alors mêlées et d'autres tournées cette année.
"J'avais envie de faire un film hommage. C'était très important de montrer la perte", a expliqué Daniel Leconte. Ces caricaturistes, "c'est un patrimoine", selon lui. Le souhait du réalisateur était, "rétrospectivement, pour ceux qui n'avaient pas eu l'occasion de les aimer pour ce qu'ils faisaient, d'avoir l'opportunité de les apprécier en les retrouvant dans un film".
Dédié aux victimes de Charlie Hebdo, L'Humour à mort ("Je suis Charlie") démarre le 11 janvier 2015 avec des images des manifestations. Elles ont vu des millions de personnes descendre dans la rue à Paris et dans le monde entier en réaction aux attentats jihadistes en France. En tentant d'expliquer les raisons de la tragédie, le film opère un va-et-vient entre ces événements et ceux qui les ont précédés depuis 2006. "Je ne voulais pas commencer par le drame, mais par la résistance le 11 janvier, et traiter tout le reste en miroir", a expliqué Daniel Leconte.
Le documentaire revient aussi sur la fabrication du numéro post-attentats et les événements qui ont suivi. Mais ce sont surtout les images des dessinateurs disparus qui retiennent l'attention ou émeuvent. Le film, avec nombre de leurs dessins provocateurs, livre leurs explications de leurs choix éditoriaux, mais les montre aussi en trublions chantant dans un karaoké ou en multipliant les plaisanteries.
"Je m'en fous, je suis immortel", lance un personnage sur un dessin de Wolinski. Les témoins y vont ensuite de leur anecdote pour raconter les victimes: "Cabu ? Il aimait comme vertu l'enthousiasme", dit Riss. "Tignous? Il nous faisait marrer".