La salon mondial du mobile de Barcelone, qui a fermé ses portes jeudi 25 février, a confirmé un constat désormais solidement établi. Les fabricants de smartphones ont cessé d'innover. L'époque où les technologies de rupture (écran tactile, capteur photo, processeur boosté, capteur d'empreintes...) se succédaient à un rythme effréné semble révolue.
Tous les modèles se ressemblent aujourd'hui. Le rectangle aux bords arrondis, au coeur d'un long procès remporté par Apple sur Samsung, s'est imposé en maître étalon du marché. Les téléphones haut de gamme arborent quasiment tous un châssis recouvert d'aluminium et les appareils plus accessibles cherchent à les imiter avec des coques en plastique.
À l'intérieur du smartphone, Android règne en maître sur l'interface logicielle et la course à l'innovation se résume à une course à l’échalote qui consiste à savoir quelle marque proposera la plus grande définition d'écran, la silhouette la plus fine, le processeur le plus puissant ou le capteur photo avec le plus de pixels.
Le manque d'innovation pèse sur le marché mondial des smartphones dont la croissance est retombée à la fin de l'année 2015 à son niveau de progression de 2008. Près d'un tiers de l'humanité possède désormais un téléphone intelligent. Sept personnes sur dix en Europe. Arrivé à maturité, le marché pourrait reculer pour la première fois cette année. Ce ralentissement affecte les poids-lourds du secteur, en proie à une féroce concurrence tarifaire de la part des fabricants asiatiques.
Absent de la capitale catalane, Apple a vu ses ventes stagner et anticipe pour la première fois un recul de l'iPhone pour le premier trimestre 2016 alors que se profilent la sortie de l'iPhone 5se mi-mars et de l'iPhone 7 cet automne. Malgré l'échec commercial du Galaxy S6, son grand rival Samsung s'est pour sa part maintenu de justesse au premier rang mondial des vendeurs de smartphones et compte bien regagner des parts de marché avec les nouveaux Galaxy S7.
Alors que le taux de renouvellement moyen des smartphones atteint désormais 24 mois aux États-Unis et 18 mois dans l'Hexagone, les constructeurs semblent avoir admis que la puissance, les mégapixels ou la finesse ne sont plus des arguments commerciaux suffisants pour continuer de vendre leurs produits. Dans les allées du congrès de Barcelone, ils ont revu leur approche et cessé de mettre l'accent sur ces spécificités.
Plus légères, les innovations se font désormais autour du smartphone, dans les objets connectés qui lui sont reliés. Sony a débarqué en Espagne avec le Xperia Ear, une oreillette bluetooth associée à un assistant vocal, le Xperia Eye, un capteur photo grand angle, le Xperia Projector, pour projeter le contenu du téléphone, et le Xperia Agent, un assistant personnel domestique, toute une collection d'accessoires intégrée à sa nouvelle ligne de smartphones Xperia X. LG a accompagné son G5 d'une demi-douzaine de "compagnons", dont une enceinte, un robot-balle caméra de surveillance et un contrôleur de drones.
Le téléphone est également vu comme un moyen de vulgariser la réalité virtuelle. Dans la foulée de la présentation de ses Galaxy S7, Samsung a insisté sur l'expérience Galaxy offerte par la Gear 360, une caméra à 360 ° avec trépied intelligent et deux capteurs, un casque de réalité virtuelle développé main dans la main avec la filiale de Facebook Oculus et une montre connectée. Jamais aussi prolifique cette année, LG a aussi proposé son casque VR et sa caméra 360°. Alcatel a annoncé que ses nouveaux Idol seront livrés avec un casque de VR.
Le développement d'un écosystème gravitant autour du smartphone peut aussi servir à allonger sa durée de vie. LG a créé la surprise en dévoilant le G5, un téléphone évolutif dont l'espace réservé à la batterie amovible peut aussi accueillir un module photo pour améliorer les prises de vue et un module audio estampillé Bang & Olufsen faisant office d'amplificateur de son et de lecteur de fichiers en haute résolution. Avec le G5, LG rejoint Fairphone et grille la politesse Google (Projet Ara) sur le créneau des téléphones modulaires.
Faute de technologie de rupture, les constructeurs s'attachent pour l'essentiel à améliorer les fonctionnalités qui ont fait leur preuve. Ainsi, le nouveau Galaxy S7 et sa déclinaison Edge aux bords de l'écran incurvés ressemblent trait pour trait à leurs prédécesseurs. Samsung s'est contenté d'améliorer quelques spécificités techniques et logicielles (batterie, boîtier étanche, mémoire extensible), épousant le rythme d'Apple qui lance un nouvel iPhone tous les deux ans et l'enrichit d'une version "S" plus performante après douze mois.
Les ajustements des géants du secteur permettent aux jeunes loups de rattraper leur retard. La marque chinoise Xiaomi a fait sensation avec son dernier smartphone Mi 5, un modèle haut de gamme au design à la croisée de l'iPhone 6 et du Galaxy S7, avec écran Full HD et puce Snapdragon 820 dernier cri, proposé à partir de 280 euros. Champion du low-cost, Wiko a dévoilé une nouvelle ligne de téléphones vendus de 49 à 249 euros, dont les deux premiers modèles avec scanner d'empreintes à moins de 200 euros.