À l'heure du tout numérique, où la musique se consomme en flux et tend à être de plus en plus définie par les services de streaming et la curation, Panasonic s'est livré à une annonce pour le moins remarquable lors du salon IFA de Berlin, grand raout de l'électronique grand public où s'expose le futur chaque jour un peu plus intelligent des nouvelles technologies. Le géant japonais de l'électronique a annoncé lors d'une conférence de presse précédant l'ouverture de la 55e édition du salon berlinois qu'il allait relancer la production de platines vinyles de sa filiale Technics, cinq ans après avoir sonné le glas de la Technics SL-1200, le modèle le plus emblématique de l'histoire du DJing.
Lancée au début des années 1970, la SL-1200, et surtout son évolution MK2, conçue à l'aube des années 1980, s'est vendue à plus de trois millions d'exemplaires à travers la planète. Elle est toujours considérée comme un standard de l'industrie pour le DJing en raison de sa précision et de sa longévité. De nombreux DJs continuent de vanter son mécanisme à enchaînement direct et son couple fort, très prisé des amateurs de scratching. Mais le déclin de la demande pour ce type de produits causé par l'avènement des formats CD et numériques a poussé Panasonic à tourner la page de trois décennies de tradition analogique en 2010, trois ans après le lancement de la dixième et dernière Technics, la SL-1200MK6.
Le prototype présenté mercredi 2 septembre 2015 ne s'embarrasse pas vraiment de ce folklore des dancefloors. Fabriqué à partir d'aluminium rigide, il épouse la ligne et les codes esthétiques de la collection de produits audios (très) haut de gamme lancée l'an dernier par Panasonic, à l'IFA, déjà, pour relancer la marque Technics et semble davantage viser les audiophiles que les DJs. Cela dit, peu d'indices ont filtré sur la platine. Tout juste sait-ont qu'elle sera reconstruite avec de nouveaux éléments à tous les niveaux, tout en prenant soin de refléter l'esprit des modèles traditionnels. "On est toujours sur un système de "retour automatique" propre aux Technics mais le son sera retravaillé pour sortir en haute définition", précise-t-on chez Panasonic. La commercialisation doit intervenir en fin d'année 2016.
Pour Panasonic, le timing de cette annonce est tout sauf anodin. Dans l'ombre de la musique dématérialisée, la sonorité singulière du microsillon connaît un retour en grâce ces dernières années. En Angleterre, le vinyle a renoué l'an dernier avec son meilleur niveau de vente depuis 20 ans. En France, où aucun calcul n'est réalisé sur ce segment, le phénomène est plus difficile à quantifier mais les disquaires témoignent d'un engouement réel autour de ce format. Mais que les nostalgiques des MK2 ne se fassent pas trop d'illusions. Malgré ce renouveau, le marché du disque noir est toujours au point mort économiquement. En 2013, il ne représentait que 0,8% des ventes de musique en Angleterre.
"Le marché de la platine est un marché de niche mais c'est un produit de marque très important", confie le directeur de Technics Michiko Ogawa au site américain Wired dans les allées du salon berlinois. En déterrant la marque Technics pour son cinquantième anniversaire, Panasonic ne vise pas tant les DJ's que les rayons hi-fi et particulièrement les audiophiles et puristes du format analogique, prêts à débourser plusieurs milliers d'euros pour un équipement audio de référence. Vaisseau amiral de cette nouvelle gamme, la série "R1", constituée d'une paire d'enceintes colonnes, d'un lecteur réseau et d'un amplificateur est facturée 40.000 euros. Mercredi, Panasonic a également annoncé plusieurs produits hi-fi "très haut de gamme" (casque hi-fi, lecteur en réseau, chaîne hi-fi) pour les prochains mois, esquissant les contours d'une série dans laquelle devrait naturellement s'intégrer la platine Technics exhumée.