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Nathalie Helal : "Notre société est malade du sexe et de la nourriture"

MASTERS OF SEX - La journaliste gastronomique publie "Même les légumes ont un sexe", un ouvrage qui retrace les liens entre alimentation et sexualité tout en offrant une critique de la société où l'on montre tout, jusqu'au contenu de son assiette.

Nathalie Helal
Nathalie Helal
Crédit : Frédéric Bukajlo
Arièle Bonte
Arièle Bonte

De la langue française à l'anatomie de certains fruits, le lien entre sexualité et alimentation est partout. Dans Call Me by your Name sorti cette année, le réalisateur italien Luca Guadagnino filme le jeune Elio, 17 ans, en train de s'adonner au plaisir de la chair avec... une pêche. Dans le clip Les Passantes, sorti le 8 mars dernier, la réalisatrice et photographe belge Charlotte Abramow rend hommage au sexe féminin à l'aide de fruits et légumes ressemblant étroitement à des vulves.  

Ces analogies entre alimentation et sexualité sont récentes mais elles s'inscrivent dans une tradition ancienne, racontée par Nathalie Helal dans le livre Même les légumes ont un sexe (1). De la Bible à #BalanceTonPorc, en passant par le Second Empire ou mai 68, l'ouvrage de la journaliste gastronomique offre une vision documentée et complète des liens qui unissent la bouffe et le sexe avec, en toile de fond, une critique de cette société où l'on montre tout, jusqu'au contenu de nos assiettes.  

Dis-moi comment tu manges...

"Dis-moi comment tu manges et je te dirai comment tu aimes et ce que cela raconte de notre société", résume Nathalie Helal à propos de son ouvrage. "Notre société est-elle vraiment malade du sexe et de la nourriture ? Je réponds oui", ajoute à RTL Girls cette journaliste gastronomique. 

Car au-delà des petites histoires qui feront mouche lors de vos prochains dîners mondains ou apéros entre potes (saviez-vous que les couvents portugais du XIXème siècle étaient tout sauf des lieux d’abstinence ?), Nathalie Helal expose dans son livre de profonds questionnements de société. 

Pour moi, l’assiette devient le premier partenaire sexuel

Nathalie Helal, journaliste gastronomique

"J’ai été interpellée par ce que j’ai vu sur les réseaux sociaux. Le hashtag #foodporn est partout, les gens photographient leur assiette, leur frigo, tout ce qu’ils mangent… Pourquoi y a-t- il cette surexposition médiatique de l’assiette ?", s'interroge à haute voix la journaliste. "Pour moi, l’assiette devient le premier partenaire sexuel. Le dernier verrou de la sphère intime et privée a sauté, parce qu’en réalité la pornographie n'émeut plus personne. Elle est ailleurs."

Elle est aujourd'hui dans nos fils d'actualité Instagram ou sur Pinterest, là où les internautes allèchent leur communauté de clichés de nourriture "scénarisée et mise en scène dans des plants rapprochés, à l'aide d'un éclairage particulier".

"Même les légumes ont un sexe" de Nathalie Helal
"Même les légumes ont un sexe" de Nathalie Helal
Crédit : Éditions Solar

Comme dans un film pornographique, des choses dégoulinent, "c'est à la fois censé faire rêver, donner envie, exciter, émoustiller et en même temps, c'est indécent et obscène", détaille Nathalie Helal avant de s'inquiéter de la suite du mouvement. "Quelle est la prochaine étape ? Montrer ses intestins ?", avance-t-elle avec humour.    

Les vegans sont-ils des bons coups ?

Les réseaux sociaux et l'influence de grandes stars américaines telles que l'actrice Gwyneth Paltrow, gouru du "manger sain", ont installé une nouvelle norme. "Aujourd’hui, on fait des détox, on boit des smoothies, on devient vegan, on mange trois graines de quinoa avec trois grenades et on possède un extracteur de jus".

Pour Nathalie Helal, toutes ces nouvelles injonctions au bien-être et au contrôle du corps correspondent à "un resserrage de la ceinture du côté de la sexualité. On se met des barrières", assure celle qui critique également l’extrémisme dans lequel peuvent également tomber certaines personnes suivant un régime végétalien (aucun produit issu d'une exploitation animale), lorsque ces derniers ou dernières reprochent aux "viandards" de saliver à la vue de côtelettes d'agneau. 

"Cela traduit une rigidité dans l'ouverture, une rigidité qui s’apparente à la frigidité. Je me demande alors dans quelle mesure ces vegans sont-ils des bons coups ? Est-ce que ce sont des gens qui aiment le sexe ?", s'interroge encore la journaliste gastronomique.

Illustration de Éric Giriat dans "Même les légumes ont un sexe"
Illustration de Éric Giriat dans "Même les légumes ont un sexe"
Crédit : Éditions Solar

Quand la spatule remplace la cravache

À l'inverse, les nouvelles stars de la bouffe sont les nouvelles porn star de la décennie. Nathalie Helal constate qu'aujourd'hui, le chef est érotisé. "Il est devenu glamour, sexy, branché et classe".  Bref, un "dieu du stade". 

Les blogueuses ou youtubeuses ayant fait de leur passion pour la cuisine un sujet de discussion autour de toutes ces plateformes numériques ont elles aussi repris les codes de la sexualité pour les incorporer dans le monde de la cuisine et "exister médiatiquement", observe Nathalie Helal. "La spatule, la louche et le fouet ont remplacé la cravache, les menottes et le petit canard", détaille-t-elle.

Là encore, l'auteure de Même les légumes ont un sexe se demande qu'elle sera la prochaine étape d'ici deux à quatre ans. Après dix ans d'émissions culinaires à n'en plus finir, l'overdose est sur le point de se déclarer pour laisser place à une nouvelle tendance. Les paris sont ouverts... 

(1) Même les légumes ont un sexe, Nathalie Helal, éditons Solar, avril 2018, 208 pages, 18 euros 90.

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