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Jean-Michel Aphatie : "La proportionnelle ou la bêtise politique absolue"
ÉDITO - Il paraît que le gouvernement réfléchit à une tarte à la crème aussi vieille que la tarte à la crème : l'introduction de la proportionnelle dans le mode de scrutin désignant les députés.
Jean-Michel Aphatie
Ceci ressemble à un tir d'artillerie en direction d'imaginaires lignes ennemies.
Dans l'attente de l'émission dont le chef de l'Etat sera la vedette, sur TF1 et RTL, des indiscrétions fausses et des confidences qui le sont tout autant indiquent que peut-être et pourquoi pas François Hollande pourrait annoncer un changement de mode de scrutin pour les prochaines élections législatives.
Les "indiscrets" rappellent que lors de sa campagne électorale, coincée entre d'autres promesses qui ne seront tenues que lors du prochain quinquennat, figurait la numéro 48 qui disait ceci : "J'introduirai une part de proportionnelle à l'Assemblée nationale." ben voyons, puisque je l'ai dit, je le ferai...
Et même, ajoutent les informateurs d'aujourd'hui, le chef de l'Etat pourrait aller plus loin en annonçant carrément, la proportionnelle intégrale, comme en 1986. Et les arguments pour justifier l'un ou l'autre des projets ne manquent pas. La proportionnelle comme mode de scrutin est fondamentalement démocratique car elle permet la représentation de tous les courants de pensée, y compris de ceux qui se retrouvent exclus aujourd'hui de la chambre, le Front national of course. Et comment voulez-vous vous opposer à des arguments aussi terrifiants, ma bonne dame?
Un mode de scrutin électoral n'est pas fait pour traduire une quelconque idée de justice
Jean-Michel Aphatie
Premier point : un mode de scrutin électoral n'est pas fait pour faire plaisir aux électeurs. Il n'est pas fait non plus pour traduire une quelconque idée de justice. Il suffit de lever la tête et de regarder la Grande-Bretagne, terre démocratique s'il en est, pour constater que le scrutin uninominal à un tour est un laminoir à broyer chapelles, courants, sensibilités, et qu'il possède cette vertu extrême de pousser aux rassemblements avant les scrutins, ce qui permet d'éviter les coalitions instables après.
Voilà le nœud du système. Un mode de scrutin est fait pour fournir la stabilité, la solidité, à un mode de représentation des citoyens qui sera par nature imparfait. D'où l'importance de la stabilité qu'apporte le scrutin majoritaire à deux tours.
Les esprits chagrins disent : c'est un mauvais système puisqu'il ne permet pas la représentation du Front national. Faux. Ce qui ne permet pas la représentation du Front national, c'est l'incapacité de ce parti à se trouver des alliés. Et il n'en trouve pas parce qu'il demeure dogmatique, donc solitaire. Et ce serait pour lui une grande victoire que d'obliger les partis politiques à changer de système électoral, ce qui lui évite d'avoir à s'y adapter.
Introduire un peu ou beaucoup de proportionnelle dans le scrutin législatif n'est ni une erreur, ni une faute mais bien un outrage profond porté à la mécanique démocratique de ce pays
Jean-Michel Aphatie
En conclusion, ceci : introduire un peu ou beaucoup de proportionnelle dans le scrutin législatif n'est ni une erreur, ni une faute mais bien un outrage profond porté à la mécanique démocratique de ce pays. Il faut espérer, d'abord, que le chef de l'État n'en proposera pas la réalisation. Il faut souhaiter ensuite qu'aucune majorité ne se trouvera au parlement pour opérer cette réforme. Il faut croire ensuite dans l’impossibilité matérielle à laquelle se trouverait confronté le gouvernement de modifier dans un temps si court les circonscriptions, sauf, crime suprême, à ne faire du pays qu'une seule circonscription, ce qui fut fait pour d'horribles motifs en 1986.
Le combat est singulier, sans doute perdu d'avance tant la courte vue des esprits domine, mais il faut le mener quand même quand la proportionnelle, pour la nommer justement, agira comme un poison politique sur l'un des derniers piliers de notre démocratie, celui qui tient tout en accordant au pouvoir, même déconsidéré, même impopulaire, la durée sans laquelle rien ne se fait et rien ne peut être tenté.
