Élections européennes : Willy Schraen, tête de liste de "L'Alliance rurale", un apolitique qui a tout du politicien

Il en aurait presque oublié d'évoquer sa place en tête de liste. Willy Schraen a officiellement lancé sa campagne pour les élections européennes, ce mardi 5 décembre. Entouré d'une dizaine de colistiers, le président de la Fédération nationale des chasseurs a expliqué vouloir s'adresser à "la France des oubliés". 

"Nous avons décidé de présenter au suffrage des Françaises et des Français une liste qui portera le nom de 'L'Alliance rurale'. La ruralité n'est pas, pour nous, un point géographique. C'est avant tout un mode vie ancré dans l'ADN de chacun d'entre nous. La ruralité, c'est la recette du bonheur", a déclaré Willy Schraen lors d'une conférence de presse à l'Ambassade d'Auvergne à Paris. Et c'est en toute fin de prise de parole, en réponse à la question d'un journaliste de l'AFP, que le patron des chasseurs a évoqué sa place en pole position.

À ceux qui y voient un téléguidage macronien en vue de gratter des voix au Rassemblement national, celui incarne la tête de liste de "L'Alliance rurale" met en avant : "On ne travaille pour personne, on n'est pas des soldats occultes de la politique (...) J'ai toujours voulu être apolitique (...) Nous n'avons pas pris d'engagement et pas fait de deal. Je trouve ça extraordinaire d'enfoncer une petite liste rurale, ça agace la politique. Il n'y a pas de complot et il n'y a rien d'obscur. Juste des gens qui en ont marre et veulent se battre pour leur bonheur".

A voté Emmanuel Macron et soutenu Xavier Bertrand

Si la question des origines de cette démarche électorale se pose, c'est parce que le président de la Fédération nationale des chasseurs a fait de son mandat à la tête de l'organisation un enjeu politique. Sur le site de la Fédération, les communiqués de presse ont un ton politique, à l'image de celui relatant "le dialogue très constructif" avec Sarah El Haïry, secrétaire d'État à la Biodiversité ou encore un communiqué dénonçant la Commission européenne qui "s'attaque", selon la Fédération, "à notre patrimoine rural". 

Conscient de ce que représente le vote de sa Fédération qui compte 1 million d'adhérents, Willy Schraen n'a pas hésité à partager son choix pour l'élection présidentielle de 2022. Emmanuel Macron "ne m'a pas déçu", confiait-il à nos confrères du Parisien quelques mois avant le scrutin. "Il mettra toute son énergie pour répondre à nos demandes. J’ai sa parole. Il ne m’a pas déçu. Aucune loi ou amendement pouvant abîmer la chasse n’a été adopté dans ce quinquennat. À chaque fois qu’on a eu un problème à régler avec un ministre de l’Écologie, il est intervenu. Je voterai Emmanuel Macron dès le premier tour", lançait-il tout en prenant soin de préciser que son avis ne faisait pas office de consigne de vote pour ses adhérents.

Willy Schraen pourrait faire un bon ministre, car il regorge de bon sens

Xavier Bertrand, le président LR des Hauts-de-France dans un article du "Monde", en 2019

N'empêche que les mots sont restés. Invité de RTL quelques heures avant le lancement de la liste "L'Alliance rurale" pour les européennes, Willy Schraen avait indiqué que son rapport à la politique n'est pas nouveau et ne se résumait pas à son soutien à Emmanuel Macron. "J'ai fait la même chose, lors de deux campagnes régionales, avec Xavier Bertrand. J'ai fait pareil aux législatives et j'ai soutenu une dizaine de candidats de tous partis (...) Rassurez-vous, je ne suis l'objet de personne". 

Dans un article du Monde datant de 2019, le président LR de la région Hauts-de-France reconnaissait le flair politique du patron des chasseurs. "Willy m’a soufflé l’idée de mon aide au transport. Il pourrait faire un bon ministre, car il regorge de bon sens. En tout cas, il est le prototype du corps intermédiaire à ne pas trahir", confiait Xavier Bertrand.

Autre lien avec la classe politique, souligné par Ouest France, Willy Schraen a écrit un livre en 2020, intitulé Un chasseur en campagne : pour une défense de la ruralité. La préface de l'ouvrage a été écrit par Eric Dupond-Moretti, nommé aussi en 2020 au ministère de la Justice. "Ce livre, les ayatollahs de l’écologie s’en serviront pour allumer le barbecue où ils cuiront leurs steaks de soja", a écrit le garde des Sceaux.

Ami avec le lobbyiste Thierry Coste qui murmure aux oreilles des présidents

Pour comprendre le personnage Schraen, il est aussi indispensable de s'intéresser à certains de ses amis. Notamment Thierry Coste, le conseiller de la Fédération nationale des chasseurs. Willy Schraen ne cache pas son amitié avec le lobbyiste qui était d'ailleurs présent au lancement de la liste de "L'Alliance rurale" pour les européennes, bien qu'il n'y figure pas. "Je n'ai jamais voulu être sur la liste, je ne suis sur aucune liste", nous explique-t-il. Pourquoi ? "Ça ne m'a jamais intéressé. La politique ne m'intéresse pas en tant que telle. Je veux bien influencer, je suis lobbyiste. Comme je dis souvent : j'ai plein de bons sens et de passion, mais je serais un mauvais politique parce que je serais peut-être un peu brutal", explique-t-il. 

Connu pour avoir conseillé Emmanuel Macron, Thierry Coste précise ses relations avec le président de la République. "Je l'ai conseillé à titre amical et personnel sur la ruralité et la chasse. Je l'avais fait aussi avec François Hollande. Je l'avais fait aussi, avec plus de difficultés, avec Nicolas Sarkozy et Jacques Chirac", poursuit-il.

Invité de RTL le 25 octobre dernier à l'occasion de la sortie de son livre Le plan secret de nos élites contre le monde rural, le lobbyiste y aborde "les 30 ans de constat de ma passion rurale brimée". "C'est pour ça que je dénonce un peu ce qui se passe dans notre autour de nos hommes politiques. Même lorsque les hommes politiques sont pragmatiques sur nos sujets, hélas, tout autour, ils sont entourés de gens qui disent : 'Non, ça sert à rien, on l'a déjà fait", détaillait-il. 

L'Alliance rurale n'a pas pour vocation à devenir un parti politique

Willy Schraen, tête de liste "L'Alliance rurale" aux élections européennes

Malgré ses relations proches de la sphère politique, Willy Schraen définit la liste qu'il porte comme étant "apolitique". "Nous voulons exprimer notre ras-le-bol à cette Europe qui nous balade et qui nous fait souvent voyager en Absurdie, nouveau royaume de l'emmerdement maximum (...) Nous plaidons pour le droit et le respect des différences dans ce monde normé que nous impose l'Europe (...) L'Alliance rurale est composée d'hommes et de femmes exclusivement de la société civile, représentant la diversité de la ruralité et passionnés par les valeurs de la défense de nos terroirs", a défendu le président de la Fédération nationale des chasseurs.  

C'est en fin de discours que le patron des chasseurs a précisé : "L'Alliance rurale n'a pas pour vocation à devenir un parti politique mais de faire en sorte qu'au soir des élections européennes, les responsables politiques français et européens prennent enfin en compte cette France qui se tait, cette France des cultures, des plaisirs simples et des sourires. La France des jours heureux qui inspire simplement qu'on lui foute un petit peu la paix".

Mais en bon politicien, Willy Schraen n'a pas oublié les clins d'œil à la classe politique. "Notre combat n'est pas celui d'irréductibles Gaulois réfractaires", a-t-il lancé en référence aux mots employés par Emmanuel Macron. Tout au long de sa prise de parole, la tête de liste pour les élections européennes a critiqué les écologistes et "les anti-tout". Marie Toussaint, tête de liste des Écologistes, a invité le représentant des chasseurs à débattre. Sur RTL, le principal concerné a répondu : "Ils me fatiguent, je ne passe pas que ce serait une belle aventure. Nous verrons tout ça plus tard", a-t-il éludé. 

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