Il y a 10 jours, nous apprenions qu’une soixantaine de plaintes, rien que ça, ont déjà été déposées contre des ministres pour dénoncer leur gestion de la crise du coronavirus. Certains voient là-dedans une "soif de justice légitime", d’autres au contraire "une soif de sang".
Je cite là des propos que j’ai trouvés hier dans deux journaux qui avaient chacun consacré un dossier à cette question. Mais avec des points de vue, vous l’avez compris, diamétralement opposés. D'un côté il y avait le quotidien Libération, qui trouve ces plaintes d’autant plus "légitimes", je cite, que la loi est "plutôt protectrice". De l’autre l’hebdomadaire l’Express, qui estime au contraire qu’elles relèvent du… "populisme judiciaire". Le problème, c’est que la question de la légitimité de ces plaintes, n’a, à mon sens, pas lieu d’être posée.
Pourquoi pas ? D’abord parce que la possibilité nous est offerte de porter plainte, tout simplement, c’est notre droit. Ensuite parce que ces plaignants sont, le plus souvent, des victimes ou des proches de victimes. Bref des personnes qui ont été confrontées à la douleur, ou à l’anxiété, au minimum. Juger moralement de leur démarche serait donc au mieux malvenu, au pire contre-productif.
On peut, en revanche, raisonnablement, regretter cette explosion de plaintes, qui visent non seulement des ministres mais aussi des dirigeants d’administrations centrales ou peut-être, à l’avenir, des élus. Parce qu’elle a incontestablement des effets pervers. Outre qu’elle va nous occuper des années durant, elle risque, à cause de la peur qu’elle va susciter chez nos décideurs, de paralyser l’action publique.
C’est une bonne chose que des victimes puissent demander réparation à ceux qui sont aux responsabilités. Bien sûr. Mais là où ça pose problème c’est quand on commence à confondre responsabilité politique et responsabilité pénale. Dit plus trivialement (j’ai retrouvé une formule d’Olivier Beaud, auteur d’un livre sur le procès du sang contaminé) : "Il ne faut pas confondre mauvais ministre et ministre délinquant".
Et la question peut se poser dans le cas de la crise du coronavirus. Si l'on prend le scandale du sang contaminé, justement, tout n’a pas été bien fait par la CJR, loin de là, mais il s’agissait de juger de fautes ou d’erreurs incontestables, voire ahurissantes.
Rien que la qualification juridique des faits s’annonce compliquée
Denys de Béchillon, professeur de droit public
Dans l'affaire qui nous touche aujourd'hui, en revanche, "rien que la qualification juridique des faits s’annonce compliquée". C’est ce que me faisait remarquer hier le professeur de droit public, Denys de Béchillon, que j’interrogeais sur le sujet. Si l’on prend l’un des aspects les plus controversés, celui des masques, la pénurie est, de fait, le résultat d’une succession complexe de mauvaises décisions sur plusieurs années.
Or, la loi dit bien que la responsabilité personnelle d’un décideur public ou privé n’est engagée qu’en cas de "violation délibérée d’une obligation de prudence ou de sécurité" ou en cas de "faute personnelle caractérisée". On peut d’ailleurs penser, à la lumière de cette précision, que la plainte contre Édouard Philippe et Christophe Castaner qui concerne le maintien du premier tour des élections municipales, est la plus sérieuse.
En tout cas, ce qui est sûr c’est qu’il faudra beaucoup d’adresse et de courage politique réunis à celui qui voudra, un jour, réfléchir à ce qui pourrait être réajusté pour éviter les dommages collatéraux de ces procédures en pagaille. Car les sénateurs, qui ont vainement tenté il y a 15 jours de limiter la responsabilité pénale des élus locaux dans le cadre de la crise du coronavirus ont payé pour voir : étant donné la rupture de confiance entre les Français et leurs dirigeants, tout ce qui ressemblera même de loin à une "auto-amnistie" sera suicidaire, politiquement.
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