Alba Ventura : "Il aime bien l'Europe, Moscovici"
CHRONIQUE - La tentation de Bruxelles pour Pierre Moscovici : le patron de Bercy a dit qu'il se verrait bien à la Commission européenne. Cela en dit long sur l'état d'épuisement de certains ministres.
C'est une déclaration qui est presque passée inaperçue dans le flot des affaires. Dimanche 2 mars, l'air de rien, Pierre Moscovici s'est porté candidat pour un poste à la Commission européenne.
C'est on ne peut plus clair, même si ce n'est pas formel : voilà un ministre, et pas des moindres (le patron de l'économie), qui est candidat au départ. Mais il a fait savoir à la télévision, le week-end dernier, que si le président le trouvait plus utile à la Commission européenne, il ne fallait pas hésiter.
Le blues de "Mosco"
Il trouve même que ce n'est pas illogique que l'on parle de lui : il a été député européen et ministre des Affaires européennes. Pour dire à quel point il est en campagne, la presse relate qu'il a posé un lapin à son homologue allemand Wolfgang Schauble, lundi, pour aller déjeuner avec des journalistes. On ne peut pas mieux dire qu'il est en route pour Bruxelles.
Il a le blues, Pierre Moscovici. Il n'a pas la main. La remise à plat de la fiscalité ? Ça aurait dû être lui. C'est Bercy qui aurait dû piloter ça, pas Matignon ! Le "pacte de responsabilité" ? C'est le ministre de l'Économie et des Finances qui aurait dû le porter, pas le conseiller économique du président. Il y a quand même beaucoup de gros dossiers qui lui échappent. Toutes les grandes décisions se prennent à l'Élysée.
Germano-compatible
Peut-être que c'est à Bruxelles qu'il sera le mieux, Pierre Moscovici. De toute façon, ça le chatouille depuis longtemps. Il aime bien l'Europe, "Mosco". Il y est plus à l'aise. Il est dans son élément là-bas. Il est germano-compatible. Comme le dit l'un de ses collègues : "Moscovici, c'est un très bon ministre des Finances européen".
En privé, il vous dit : 'Bruxelles, c'est un truc qui me pend au nez'. Sous-entendu : 'Ça rendrait service à Hollande et à la France si j'étais là-bas'. Sans compter qu'il n'a jamais vraiment goûté le petit jeu politique et les petites rivalités. Souvenez-vous de Laurent Fabius, sur RTL, expliquer que Bercy avait . Souvenez-vous d'Arnaud Montebourg précisant qu'à Bercy, il y avait "deux patrons" : lui et Moscovici. Une façon de ne pas reconnaître la tutelle de Moscovici.
Et voilà maintenant que le Premier ministre affirme qu'à Bercy il y a trop de ministres. Ça l'épuise, tout ça. Il n'est pas exclu, d'ailleurs, qu'il soit en train d'habiller un départ, une sortie programmée, et de se trouver une porte de sortie.
On ne quitte pas Bercy de son plein gré
On n'a jamais vu un ministre rendre les clés de Bercy. Ou bien si, mais pour devenir Premier ministre, pas pour un poste de commissaire européen. Bercy quand même, c'est la citadelle, l'État dans l'État. Rappelez-vous que Nicolas Sarkozy avait fait des pieds et des mains pour décrocher Bercy en 2004 ; que Dominique Strauss-Kahn en a été arraché par les affaires. On ne quitte pas Bercy de son plein gré. C'est un poste en or. Grand Argentier de la France, vous vous rendez compte ?
Mais, comme le dit un autre ministre goguenard, "à nos grands âges, (et celui-là a la cinquantaine), c'est plus confortable d'être à Bruxelles". Alors, pardon, cela en dit long sur l'usure des ministres après vingt-deux mois de pouvoir et sur leur manque de motivation. Surprenant, quand on sait que "ministre" ce n'est pas un métier qu'on peut faire toute une vie, mais c'est un métier dont on rêve toute sa vie pour certains. Cela laisse un gout d'inachevé, quand même.
