Alba Ventura : "Hollande préfère changer d'équipe que de politique"
CHRONIQUE - François Hollande ne veut pas changer de politique. Les Français lui demandent pourtant du changement. C'est donc le gouvernement qui va changer !
François Hollande n'y est pas allé par quatre chemin mercredi 26 mars matin en Conseil des ministres. Le chef de l'État a demandé au gouvernement d'"écouter les Français" et de "travailler plus fort". Un véritable carton rouge.
Le remaniement est acté
Le réquisitoire était sévère. Ce que dit François Hollande à tous ses ministres, c'est : "Ça ne va pas !" Ça ne va pas assez vite, ça ne va pas assez fort, ça n'est pas assez efficace... Il aurait pu se contenter de dire : "J'entends l'inquiétude des Français" (comme le Premier ministre dimanche soir, avec le succès que l'on sait). Non ! Il dit à son gouvernement : "Il faut tirer les leçons du premier tour des municipales. Il faut des résultats, plus rapidement, avec plus de cohérence". Autrement dit, il faut changer.
En fait, le Président a acté pour la première fois le remaniement à venir. C'est la première fois qu'il le dit aussi fermement. Il est venu dire au Conseil des ministres : "Préparez-vous ! Le changement d'équipe, c'est maintenant".
Jean-Marc Ayrault est dans le rôle du fusible. Le Premier ministre fait donc tout pour ne pas sauter. Il essaie de se sauver. Voilà pourquoi, mercredi en fin d'après-midi, il a envoyé ses proches à l'assaut. "L'entourage" de Jean-Marc Ayrault s'est chargé de claironner : "L'actuel Premier ministre est l'unique garant de 'l'équilibre' entre les diverses composantes de la majorité".
Ayrault, "point d'équilibre"
Le "garant de l'équilibre" : ni trop à gauche, ni trop à droite. C'est une charge sévère contre Manuel Valls, dont on parle beaucoup en ce moment pour occuper Matignon, et qui est en campagne. Face au ministre de l'Intérieur, Jean-Marc Ayrault a comme alliées Cécile Duflot et Christiane Taubira, qui auraient menacé de démissionner si Manuel Valls devait s'installer à Matignon.
Voilà pourquoi Jean-Marc Ayrault fait dire que le point d'équilibre, c'est lui. Dans son entourage, on précise aussi que "le redressement du pays n'est pas achevé". On croirait entendre François Fillon. En novembre 2010, on le donnait partant, remplacé par Borloo. Devant une assemblée d'ingénieurs, le Premier ministre de Nicolas Sarkozy avait lancé sa propre plaidoirie : "Je crois à la continuité de notre politique. Le redressement de la France réclame de la durée". On connaît la suite : il est resté jusqu'au bout.
Jean-Marc Ayrault n'en espère pas tant, mais il est quand même décidé à tout faire pour prolonger un peu son bail à Matignon.
Hollande réduit à faire de la cosmétique
Un changement de tête impliquerait-il un changement de politique ? Jamais de la vie ! François Hollande ne changera pas d'un iota ce qu'il a mis sur la table. Il a mis des mois et des mois avant d'assumer son discours sur les entreprises et sur la compétitivité. Il ne va pas revenir en arrière.
Son cap est 100% économique. À aucun moment il n'envisage un changement de ligne politique. Sa priorité, c'est le "pacte de responsabilité" et les 50 milliards d'économies (encore faut-il qu'il les mette en œuvre !). Et Cécile Duflot peut bien réclamer en plein Conseil des ministres une "inflexion", il n'y en aura pas. Il y aura tout au plus un geste fiscal pour les plus modestes. Pas plus. Surtout après les mauvais chiffres du chômage qui sont tombés mercredi soir.
François Hollande en est donc réduit à faire de la cosmétique. On appelle cela "professionnaliser". Ce n'est pas très gentil pour ceux qui sont là. Il s'agit de faire entrer des cadors. Il veut mettre du souffle dans cette nouvelle équipe. Un poste pour Ségolène Royal semble acquis. C'est peut être pour ça qu'elle ne répond plus au téléphone, et qu'elle est si silencieuse en ce moment.
François Hollande ne veut pas - ne peut pas - changer de politique. C'est pour ça qu'il va changer d'équipe.
